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second. Et comment, s’il y avait eu arrêt et crise, des plaintes ne seraient-elles point parvenues, dès ce moment, au ministre de l’intérieur ? « La marine ou navigation marchande de la République pour les voyages de longs cours dans toutes les parties du globe présente tant à l’entrée qu’à la sortie de nos ports, l’emploi de 390.000 tonneaux français, particulièrement pour nos colonies et le Levant, et 350.000 tonneaux étrangers, spécialement occupés aux transports dans les mers du Nord. Année moyenne, la totalité du tonnage français était de 828.000 tonneaux ; et celui étranger, de 888.000 ; en sorte qu’il n’existe aucune variation sensible dans les rapports proportionnels de notre navigation marchande considérée en masse… »

Et Roland ajoute : « Quant au commerce intérieur de la République, on peut d’abord se former une première idée de son état actuel, par le nombre de tonneaux français employés au transport d’un port à l’autre, sur les deux mers. Le mouvement des ventes et des achats respectifs entre les départements maritimes a exigé 491.000 tonneaux pour le premier semestre de 1792, et le tonnage annuel est de 972.000. La marine française fait la totalité de cette navigation, puisque dans ce marché on ne compte pas plus de 5.000 tonneaux étrangers. Ceux-ci sont exclus du chargement par le droit de fret dont est exempt avec raison tout navire national. »

Et Roland cherchant une transition pour se plaindre des obstacles qu’à l’intérieur du pays « l’anarchie » et la défiance opposent à la libre circulation des grains, insiste sur l’état prospère du commerce maritime : « Les convulsions anarchiques ne paralysent pas les relations commerciales des départements maritimes au même degré que les communications entre les autres départements de la République. L’océan est plus facilement maîtrisé par l’homme industrieux qu’il ne parvient à dompter les fureurs d’une partie du peuple égaré sur son propre intérêt. »

Mais encore une fois, s’il y avait eu dans le second semestre du 1792 le moindre ralentissement de l’activité économique constatée pour le premier, bien des symptômes du mal auraient apparu avant la publication de toute statistique officielle, et Roland, broyeur de noir, se fût empressé de redoubler les teintes funèbres. Or, dans aucun des chapitres de son rapport où l’occasion s’offrait tout naturellement à lui de signaler une recrudescence de misère, à propos des ateliers de charité, des fonds de secours des valides pauvres, il ne constate un fléchissement de l’activité nationale.

À Lyon cependant une crise industrielle commençait à se déclarer : il semble bien que les commandes de soieries faites par l’étranger ne suffisaient pas à compenser la diminution de la consommation intérieure. Le 3 novembre 1792, deux députés extraordinaires signalent à la Convention le malaise violent de la grande ville : « Depuis deux mois, dit l’un d’eux, notre immense cité, accablée du fléau de la famine, est en proie aux plus violentes agitations : vous nous avez envoyé, pour les calmer, des commissaires pleins de sagesse