Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/269

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sant encore, va se réduisant chaque jour. Comment dès lors le discrédit de l’assignat commencé dès le milieu de l’année 1792 n’irait-il pas s’aggravant ? Comment, par suite, les troubles économiques dont la baisse commençante de l’assignat avait été le principe, ne se renouvelleraient-ils pas en s’aggravant aussi ?

Ce n’est pas qu’en cette fin de 1792 et au commencement de 1793 l’activité économique du pays paraisse atteinte. Ni sa production ne fléchit, ni ses échanges ne se ralentissent. J’ai déjà noté les résultats tout à fait favorables que les documents officiels enregistrent pour le premier semestre de 1792. Roland, dans le rapport qu’il adresse à la Convention le 9 janvier sur l’ensemble de son administration, commente ces résultats avec la compétence et la sûreté que lui donnaient en ces matières de fortes études, des voyages étendus et la longue pratique de l’inspection des manufactures. Or, il n’y a pas un mot, dans le rapport de Roland, qui permette de supposer que dans le second semestre de 1792 la vie économique du pays s’est amortie. Et dans l’état d’esprit où était Roland, toujours effaré de ce qu’il appelait l’anarchie, toujours morose et gémissant, il n’eût pas manqué de signaler la crise des affaires comme l’inévitable effet des « agitations » que sans cesse il dénonçait. Au contraire, il n’y a presque pas de teintes sombres dans le tableau qu’il fait ; il n’y a dans son rapport aucun pressentiment fâcheux. « Les relations extérieures de la République avec tous les peuples européens, levantins, barbaresques et anglo-américains, se sont élevées, pendant le premier semestre de 1792, à 227 millions d’importations et à 382 millions d’exportations : ce qui annoncerait pour l’année entière une masse d’approvisionnements chez l’étranger de 554 millions et un total d’échanges de notre part de 764 millions. Année moyenne, nos achats n’excédaient pas 319 millions et nos ventes ne surpassaient pas 357 millions. Mais l’excédent proportionnel qui se fait remarquer dans le tableau actuel des transactions commerciales a différentes causes qui seront indiquées dans la suite de cette analyse.

« Les contrées méridionales de l’Europe, telles que l’Espagne, le Portugal et l’Italie nous ont apporté, pendant le semestre en question, pour 95 millions de marchandises et année moyenne elles ne nous en fournissent pas au delà de 100 millions, principalement en laines, soies, indigo, cochenille, soude, bois de teinture et de marquetterie, et huile d’olive. Les grains, surtout venant de Gênes, forment un article considérable, aussi bien que les eaux-de-vie de vin d’Espagne qui sont destinées à suppléer dans ce moment le débit extérieur de nos propres eaux-de-vie dont la disette dans nos récoltes en vins a diminué la distillation. Nous leur avons livré en échange et pour le même semestre, pour 78 millions, notamment en produits de nos manufactures, draperies, bonneteries, chapelleries et autres, ainsi qu’en sucres et cafés de nos colonies.

« Année moyenne, nous vendions à ces puissances méridionales pour