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« Aussitôt que les registres courants auront été arrêtés et portés à la maison commune, les municipalités seules recevront les actes de naissances, mariages et décès, et conserveront les registres. Défenses seront faites à toutes personnes de s’immiscer de la tenue de ces registres et de la réception de ces actes. »

C’est une des mesures les plus profondément révolutionnaires qui aient été décrétées. Elle atteignait jusqu’en son fond la vie sociale. Elle changeait, si je puis dire, la base même de la vie. Et quel puissant symbole de cette grande rénovation civile dans le transport en masse de tous les registres enlevés à l’Église et portés à la maison commune, dans cette clôture générale des registres anciens et dans l’ouverture des registres nouveaux où les nouvelles générations seraient comme affranchies de tout contact du prêtre !

En même temps et par une conséquence toute logique, la Législative institue le divorce. C’est le lien religieux qui créait l’indissolubilité du mariage. Réduit à un contrat civil, il ne pouvait prétendre à lier deux personnes humaines par une sorte d’obligation perpétuelle, contrepartie laïque des vœux perpétuels que la loi ne reconnaissait plus ou même interdisait.

« L’Assemblée nationale, considérant combien il importe de faire jouir les Français de la faculté du divorce, qui résulte de la liberté individuelle dont un engagement indissoluble serait la perte, considérant que déjà plusieurs époux n’ont pas attendu, pour jouir des avantages de la disposition constitutionnelle suivant laquelle le mariage n’est qu’un contrat civil, que la loi eût réglé le mode et les effets du divorce, décrète qu’il y a urgence. Le mariage se dissout par le divorce. Le divorce a lieu par le consentement mutuel des époux. L’un des époux peut faire prononcer le divorce, sur la simple allégation d’incompatibilité d’humeur et de caractère. »

La loi sur le divorce manifestait ainsi toute la force de la Révolution accomplie. Il ne s’agissait pas seulement d’un transport de registres, d’un changement dans le mode d’inscription. La nature même du contrat était modifiée et le caractère civil de ce contrat se marquait aussitôt dans la liberté retrouvée des contractants.

Voilà les deux grandes lois, complémentaires l’une de l’autre, dont la Convention, dès ses débuts, était tenue d’assurer l’exécution. À vrai dire, pour la constitution de l’état civil il y avait urgence. Et les ennemis mêmes de la Révolution avaient contribué à rendre indispensable la loi nouvelle. Surtout dans les régions de l’Ouest où un tiers des communes se refusaient à élire les curés selon le mode constitutionnel et où bien des paroisses étaient sans prêtres, la vie sociale aurait rétrogradé à la barbarie si les municipalités, même avant le vote définitif de la loi du 20 septembre, n’avaient pas ouvert des registres pour constater l’état civil. Ainsi, dès le 3 juillet 1792, le directoire du département de la Vendée arrêtait ceci :

« Dans toutes les communautés du département où, par l’effet des mesures