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ou montrer des tours de gobelets, il n’y a pas de mal à cela ; il faut bien amuser les enfants et leurs bonnes. Mais se rassembler la nuit dans des galetas obscurs pour chanter des hymnes, brûler de la cire et de l’encens en l’honneur d’un bâtard et d’une épouse adultère, est chose scandaleuse, attentatoire aux bonnes mœurs, suspecte dans un temps de révolution, et qui mérite toute l’attention et la sévérité de la police correctionnelle. Depuis près de dix-huit siècles, ce scandale, qui ne change point de nature en devenant religieux, se renouvelle tous les ans du 24 au 25 décembre, et n’avait pas été réprimé.

« Vu les circonstances, la municipalité de Paris crut qu’il était de son devoir de rappeler la loi qui défend les rassemblements nocturnes, et publia un arrêté portant injonction de fermer les églises pendant la nuit dite de Noël. Les bons esprits croyaient cette précaution fort inutile. Qui va penser qu’en 1792 il se dira encore à Paris des messes de minuit ? Mais les amis du roi font armes de tout. Ils se répandent dans les sections. Celle de l’Arsenal députe à la Commune pour réclamer contre son arrêté et s’écrie : Les hommes du Dix-Août veulent aller à la messe. On se contenta de leur répondre en haussant les épaules ; on ignorait qu’à la porte de plusieurs églises il se formait des attroupements, à la tête desquels se montraient des gens qui ne vont pas à la messe d’ordinaire, des gens à breloques, et chargés d’or, des Royou soupirant après une Saint-Barthélémy des patriotes, comme le remarque judicieusement le procureur de la Commune. Et en effet, à ce moment, sur la paroisse de Saint-Germain, on mettait en branle la cloche qui, par les ordres de la première de nos Médicis, servit, à pareille heure, de signal au massacre des protestants ennemis de la Cour et suspects à Charles IX. On soulevait les femmes et les sans-culottes du faubourg Saint-Marceau. On menaçait le parc d’artillerie de la place des Fédérés ; à Saint-Jacques la Boucherie et de l’Hôpital, à Saint-Eustache, à Saint-Méry, à Saint-Gervais, les officiers municipaux étaient maltraités, et la messe se disait en leur présence, comme pour les narguer et insulter à la loi.

« La section des Droits de l’Homme vint promettre à la Commune de faire respecter son arrêté.

« Celle du Louvre, au contraire, en demanda le rapport… A Saint-Laurent, à Saint-Victor, à Saint-Médard, à Saint-Marcel, au couvent des Anglaises, on messa effrontément, en dépit des magistrats. La plupart des prêtres se firent faire une douce violence par leurs ouailles, afin d’échapper à la justice. La section des Gravilliers, plus sage, fit fermer toutes les boutiques à prêtres, dit Chaumette. Grâce aux mesures sages et modérées de nos officiels municipaux, Paris en fut quitte pour ces petits mouvements qui seraient devenus plus sérieux sous la magistrature d’un M. Bailly.

« Il ne faut pas que cela en reste là. La tranquillité publique, la décence et la loi ont été compromises. Quelques-uns des principaux délinquants sont en état d’arrestation ; c’est aux tribunaux à faire leur devoir sans tarder. Il est