l’arrêté de la Commune en termes où la libre pensée s’affirmait nettement :
« Lorsqu’il y avait en France une religion dominante, soutenue par la coalition des prêtres et des despotes intéressés à perpétuer les abus dont ils profitaient, on pouvait employer ces moyens vexatoires qui forçaient tous les citoyens à professer les mêmes principes religieux, quelque erronés qu’ils parussent. Mais, lorsque la Constitution, ce nouvel Évangile des Français, a été proclamée solennellement, il n’est plus permis aux magistrats du peuple de méconnaître les principes sacrés de la liberté…
« Le temps, sans doute, n’est pas éloigné où chaque secte religieuse, se renfermant dans l’enceinte de ses temples, n’obstruera plus, à certaines époques de l’année, par des cérémonies extérieures, la voie publique qui appartient à tous, et dont nul ne peut disposer pour un usage particulier.
« C’est à la saine philosophie, c’est à l’instruction bien dirigée que nous devons laisser le soin de propager la lumière, d’étendre l’empire de la raison et de préparer l’anéantissement de tous les préjugés sous le joug desquels les hommes ont été courbés pendant trop longtemps.
« Les fonctionnaires publics nommés par le peuple ne peuvent, comme magistrats, assister à aucune cérémonie religieuse de quelque culte que ce soit ; car alors ils seraient forcés d’assister à toutes. Il ne peut y avoir, dans un pays libre, d’autre culte dominant que celui de la loi. »
Cela est déjà bien loin de la Constituante qui assistait en corps aux cérémonies catholiques. Cela est loin aussi des premières effusions semi-chrétiennes, semi-philosophiques, qui, aux premiers jours de la Constitution civile, confondirent l’évangélisme un peu révolutionnaire des uns et la Révolution un peu évangélique des autres. Maintenant, c’est la laïcité, c’est le rationalisme de l’État moderne qui s’affirme.
Et Manuel ne se borne pas à dessaisir la religion catholique de son rôle dominant et de sa puissance officielle. Sans la menacer dans la liberté essentielle de son culte, il la signale, de façon que nul ne s’y peut méprendre, comme un préjugé qui s’évanouira peu à peu à la lumière grandissante de la raison. Le journal de Prudhomme, Brissot, Condorcet soutinrent vivement Manuel. Mais l’émoi fut grand dans le clergé constitutionnel. Le peuple fut partagé. Une partie approuva l’arrêté de la Commune et la circulaire de Manuel. S’il y avait eu une protestation générale des quartiers populaires, Hébert, qui n’allait guère contre le vent, n’aurait pas pris parti aussi nettement. Grande (et grossière aussi, selon la coutume) est la joie du père Duchesne en son numéro du 9 juin 1792 :
« Ah ! foutre ! que je suis content ! J’ai lu et relu ce superbe arrêté concernant les processions, signé Pétion. C’est ça qui est sage et bien dit. Comme les bougres de cafards doivent enrager ! Ceci va encore faire baisser leurs actions. Allons, c’est foutu : le règne des prêtres ne reviendra jamais ; tous