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écartée, où vivait un de ses partisans les plus passionnés, M. de la Guyomarais. Il s’y cacha pendant quelques jours, arrêté par la maladie d’un de ses compagnons. Et lui-même fut pris d’une fièvre ardente qui était sans doute la suite de cette vie de perpétuelle agitation et de perpétuelle fatigue. Il mourut dans une ferme voisine où M. de la Guyomarais dut le faire porter, sur la nouvelle qu’une perquisition allait être faite au château.

Bientôt Latouche-Cheftel et Morillon indiqueront aux agents révolutionnaires l’arbre sous lequel on l’enterra de nuit, le lit de ferme où il avait agonisé, le château où il avait reçu l’hospitalité. Et ce premier germe de la contre-révolution bretonne sera écrasé. Mais il est aisé de pressentir, dès les premiers mois de la Convention, que les forces contre-révolutionnaires dans l’Ouest comme dans le Midi tressaillent et que l’heure est proche sans doute des vastes soulèvements.

Ce péril, encore rudimentaire et obscur, était peu de chose à côté de l’agitation religieuse qui, tous les jours, se développait. La Législative, avant de se séparer, donna force de loi aux mesures qu’elle avait décrétées contre les prêtres réfractaires en mai, sous le ministère girondin, et que, par le refus de sanction, le roi avait suspendues. Par la loi du 26 août, elle renouvelait ses décrets de mai et en aggravait la rigueur.

Tout prêtre qui se refusait à prêter le serment civique « était tenu de sortir, sous huit jours, des limites du district et du département de sa résidence, et dans quinzaine, du royaume ».

Passé ce délai, il était déporté à la Guyane. Les municipalités appliquèrent inégalement la loi. Les unes veillèrent à son exécution et c’est ainsi que Chassin nous donne la longue liste des prêtres qui, le 9, le 10, le 11 septembre s’embarquent aux Sables-d’Olonne pour l’Espagne. Le 15, le 16, du 17 au 27, les embarquements continuent. C’étaient des prêtres de Vendée qui allaient à Bilbao ou à Saint-Sébastien.

Au total, de septembre à janvier, 220 prêtres insermentés quittent la rive vendéenne. Mais d’autres, les plus hardis, les plus violents, demeuraient cachés ou ignorés par les municipalités, et ils formaient les cadres de la prochaine insurrection. Clergé et noblesse, longtemps divisés, se réconciliaient contre la Révolution.

Mais ce qui était plus inquiétant encore, pour la Convention à ses débuts, que les manœuvres des prêtres réfractaires, c’est que la Révolution ne pouvait pas être sûre du clergé constitutionnel. Celui-ci, dès cette époque, commence à s’émouvoir. Il pressent que la logique de la Révolution la conduira à abolir tout culte officiel. Il commence à craindre que l’ébranlement des habitudes anciennes dans l’ordre de la discipline ecclésiastique et des cérémonies ne s’étende à la foi elle-même, et que le peuple, ne s’arrêtant pas plus longtemps à cette combinaison un peu équivoque de la Constitution civile, ne rompe enfin tout lien religieux. Il espère en même temps, s’il se hâte d’agir, de résister,