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pas de nous, cette société composée de plusieurs milliers de négociants, d’artisans, de manufacturiers et d’ouvriers de toutes espèces qui savent qu’ils composent le corps le plus utile et le plus nombreux et forment avec ceux de la même classe la force et la puissance d’un État, vous prie d’être assurés que si cette foi ainsi solennellement engagée venait à être rompue par perfidie, nous regarderions cet acte comme une déclaration de guerre contre nos libertés, et nous emploierions toute l’influence que nous avons et tous les moyens légaux qui sont en notre pouvoir pour arrêter le bras qui serait levé contre vous, et pour désarmer le mal auquel on aurait visé, avec le même zèle et la même ardeur que s’il nous eût été adressé à nous-mêmes. »

Noble et impuissante promesse. Toutes ces volontés généreuses seront ou paralysées ou écrasées par une réaction impitoyable. Pourtant c’est bien une Angleterre nouvelle qui s’annonce ; une sorte de démocratie industrielle qui entend ne plus subir la loi d’une oligarchie. Ce n’était point une force vaine. Les succès de la Révolution qui retentissaient en joie au fond des magasins, des ateliers, des usines, ajoutaient encore à l’élan, à la confiance, au crédit de cette force neuve. Et on se demande invinciblement ce qui fût advenu de ce mouvement anglais et de la marche du monde si les succès de la Révolution avaient duré, si la Convention avait été unie, si, par cette union elle avait pu mieux contrôler et diriger les événements ; si elle avait découragé, par son unité d’action, les puissances mauvaises qui guettaient ses défaillances.

Dans les grandes crises de la vie du monde, les forces économiques ne sont pas seules en jeu ; les forces morales, la concorde, le désintéressement, la sagesse sont parfois décisives. Si elle avait su dompter ses jalousies et ses haines, réduire au silence les passions factieuses, brider les vanités et les ambitions, la Convention aurait peut-être avancé d’un siècle l’évolution démocratique de l’Angleterre, limité l’effort belliqueux auquel la France fut condamnée, et sauvé ainsi la liberté de l’Europe.

De la cité irlandaise de Belfast arrive aussi une adresse chaleureuse. Peu à peu, à mesure que s’affirme la puissance des armées de la liberté, le ton des correspondances s’élève ; et par des démarches hardies, les sociétés d’Angleterre semblent se préparer à entrer dans l’action. Toutes affirment que les timides mouvements de réforme qui en Angleterre précédèrent la Révolution française sont fortifiés et amplifiés par le succès de celle-ci. Toutes commencent à espérer que la majorité de la nation se ralliera bientôt à elles. Les délégués de la société patriotique, Society for constitutional reformation, viennent en personne à la Convention et le 28 novembre ils y tiennent un langage hardi, et même imprudent, qui surexcita en Angleterre les passions conservatrices.

« Avant l’origine de votre révolution, cette société s’était longtemps occupée de ce grand intérêt, avec peu d’espérance de réussir. Jugez d’après cela des transports de sa reconnaissance, lorsque grâce aux admirables efforts