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Ainsi ceux qui voulaient réaliser en Angleterre la réforme parlementaire, élargir le suffrage, réservé jusqu’ici à une poignée de privilégiés, tournaient leurs regards vers la France révolutionnaire et semblaient attendre de son exemple et de sa victoire l’ébranlement nécessaire. Thomas Walker, président, et Samuel Jackson, secrétaire, signaient pour la Société constitutionnelle de Manchester ; J. Bull, président, et John Stacy, secrétaire, pour la Société de la réformation ; Thomas Goff, président, et John Consens, secrétaire, pour la Société de la révolution de Norwich ; Gente Pullec, président, et Jacques Blez, secrétaire, pour les Whigs constitutionnels.

« Français, tandis que des brigands étrangers, sous le spécieux prétexte de venger la justice, ravagent votre territoire (l’adresse a été rédigée avant le désastre des alliés), y portent partout la désolation et la mort ; tandis qu’aussi traîtres que perfides ils ont l’impudence de proclamer que la compassion et l’amitié sont les seuls motifs de leur incursion, la partie opprimée de l’humanité, oubliant ses propres maux, ne sent que les vôtres ; et contemplant d’un œil inquiet les événements, adresse au Dieu de l’univers les prières les plus ferventes pour qu’il soit favorable à votre cause à laquelle la leur est si étroitement liée.

« Avilis par un système oppresseur d’inquisition, dont les empiétements insensibles mais continus ont bientôt ravi à cette nation presque toute sa liberté tant vantée, et l’ont presque amenée à cet état abject d’esclavage dont vous venez si glorieusement de sortir, cinq mille citoyens anglais transportés d’indignation, ont le courage de s’avancer pour arracher leur pays à l’opprobre dont le couvre la conduite lâche de ceux qui sont revêtus du pouvoir. Ils croient qu’il est du devoir des vrais Bretons de soutenir et d’assister de tous leurs moyens les défenseurs des Droits de l’Homme, les préparateurs du bonheur de l’humanité, et de jurer à une nation qui procède d’après les plans que vous avez adoptés une amitié inviolable. Puisse, dès ce jour, cette amitié être sacrée entre nous et puisse la vengeance la plus éclatante tomber sur la tête de l’homme qui tentera d’occasionner la rupture.

« Français, notre nombre paraîtra peu considérable comparativement au reste de la nation, mais sachez que notre nombre augmente sans cesse : et si le bras terrible et constamment levé de l’autorité en impose aux timides, si les impostures répandues à chaque instant avec tant d’industrie égarent les crédules, et si l’intimité publique de la Cour avec des Français reconnus traîtres à leur pays entraîne les imprévoyants et les ambitieux, nous pouvons vous dire aussi avec certitude, hommes libres et amis, que l’instruction fait des progrès rapides parmi nous ; que la curiosité s’est emparée de l’esprit public, que le règne inséparable de l’ignorance et du despotisme s’évanouit, et qu’aujourd’hui tous les hommes se demandent : Qu’est-ce que la liberté ? Quels sont nos droits ? Français, vous êtes déjà libres, mais les Bretons se préparent à le devenir. (Applaudissements.)