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vulgaires et ne plus couvrir du secret les intentions de nos généraux et la marche de nos armées. Le coup d’audace de Custine réussit. Le victorieux assaut livré à Spire à la garnison autrichienne et mayençaise avait partout découragé la résistance. Custine parla de très haut au gouverneur de Mayence qui rendit la place sans combat. Les soldats de Custine pour surprendre le passage du Rhin avaient fait 18 lieues en 24 heures, il avait lui-même harangué les grenadiers et leur avait fait le tableau des dispositions qu’il avait prises pour enlever la ville si elle résistait. C’était une nouvelle méthode de guerre, toute de confiance et d’élan. C’est le 21 octobre que nos soldats prirent possession de Mayence ; deux jours après, ils étaient à Francfort-sur-le-Mein.

« Citoyen président, les troupes de la République sont entrées à Francfort-sur-le-Mein. (Vifs applaudissements.) J’ai exigé de cette ville qui a montré une protection si ouverte aux émigrés et aux ennemis de la Révolution une contribution de 1,500,000 florins. (Applaudissements.) »

Les magistrats de Francfort réclamèrent contre cette contribution. Custine leur adressa une réponse qu’il fit afficher :

« Après m’être fait rendre compte du contenu des pièces que vos députés m’ont remises de votre part, je n’ai pu y voir des preuves de votre attachement à la République française et à la Révolution. Les défenses multipliées de recruter pour les émigrés et pour le prince Wittgenstein, dans la ville de Francfort, sont au contraire une preuve qu’on y recrutait. Si ces défenses eussent été sincères, si vous aviez pris les bons moyens pour les rendre efficaces, vous n’auriez pas eu besoin de les multiplier… Et cette gazette dirigée sous vos yeux qui ne pouvait paraître qu’avec votre approbation, qui a plus influé à fausser l’esprit des Germains sur les principes de la Révolution française : je vous le demande, est-ce là une preuve d’attachement à la nation ? Sans doute vous reconnaissez aujourd’hui votre erreur. J’aime à penser que, rendus aux principes, dont la justice, dont l’évidence aurait dû frapper vos yeux, vous adopterez une révolution qui rend aux nations leurs droits, ne détruit que les pouvoirs usurpés, ne tire vengeance que des trahisons, ne fait participer aux frais d’une guerre onéreuse que ceux qui l’ont provoquée, ou qui, le pouvant, ne l’ont point empêchée, que ceux enfin qui ont souffert que l’on faussât l’esprit public, qui ont voulu éteindre la lueur de vérités éternelles. »

Malgré tout, ce mélange d’appels révolutionnaires et de contributions de guerre, de libération et de conquête, a quelque chose d’équivoque, de pénible et de dangereux. Il semble, en outre, qu’à ce moment une grave erreur de tactique est commise. Pour avoir quelque chance de faire réussir la Révolution en Allemagne, il fallait grouper contre la féodalité laïque ou ecclésiastique, contre la noblesse et les privilèges, toutes les forces du pays, la bourgeoisie et le peuple. Robespierre avait très justement marqué que sans