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prises par lui des impôts de guerre ; c’était, disait-il, pour les punir ou mieux pour punir leurs dirigeants de l’accueil fait aux émigrés. Et seuls, les dirigeants, seuls les magistrats devaient porter le poids de l’impôt ; mais comment Custine pouvait-il s’assurer qu’ils ne le faisaient pas retomber sur le peuple ? De Worms, par exemple, l’armée emportait « une contribution de 1,200,000 livres en numéraire, dont 600,000 livres à la ville à cause de l’accueil fait aux émigrés, 400,000 livres à l’évêque et 200,000 livres aux chanoines ; » et Custine adressait une proclamation aux habitants pour bien préciser sa politique :

« Les contributions que j’ai été obligé d’exiger de votre ville ont été imposées pour faire retomber les dépenses de la guerre sur les ennemis de notre liberté, sur ces hommes qui se sont ouvertement déclarés en faveur des émigrés, ces traîtres qui ont préféré de provoquer tous les despotes de l’Empire à attaquer notre Constitution, au beau titre de citoyen, le seul dont les Français veulent se parer aujourd’hui.

«… La guerre que nous faisons aujourd’hui, bien différente de celles qui ont eu lieu jusqu’ici, n’est dirigée que contre ces usurpateurs de pouvoirs, et non contre les peuples.

« Vos magistrats sont les seuls qui doivent porter la contribution qui a été imposée pour votre ville ; telle est l’intention des représentants de la nation française. S’il en était autrement, cette injustice de la part de vos magistrats ajouterait encore à la prévarication dont ils se sont rendus coupables par la protection qu’ils ont accordée à nos émigrés.

« Guerre aux palais des usurpateurs ; paix aux chaumières, aux hommes justes ; voilà le manifeste de la nation française. »

C’est, je crois, la première édition du fameux mot : Guerre aux châteaux, paix aux chaumières.

De Worms, Custine décida de marcher sur Mayence. Il sentait bien qu’il y avait quelque imprudence à s’engager de plus en plus, avec une faible armée, mais il voulait frapper des coups d’éclat. Il écrit à la Convention pour se couvrir à l’avance contre la possibilité d’un échec :

« Que je prenne Mayence ou que je ne le prenne pas, croyez que ma conduite sera ce qu’elle aura dû être, celle d’un général citoyen, dont toutes les pensées et tous les sentiments sont consacrés à la défense de la République et à la gloire de ses armées. »

Il écrit à son chef Giron : « Cette marche en impose, non seulement à Worms, mais à toute cette partie de l’Allemagne ; elle me met en mesure d’y semer nos décrets et des écrits qui prépareront la révolution derrière nos ennemis. »

Déjà, à la Convention, la griserie commençait : car je note que lecture y est donnée des lettres de Custine annonçant la marche sur Mayence avant que celui-ci y soit entré. Il semblait qu’on pouvait dédaigner les précautions