à transposer dans le mode révolutionnaire les souvenirs brillants de l’ancien régime : « Jamais, dit-il, je n’ai vu les soldats murmurer : les chants et la joie auraient fait prendre ce camp terrible pour un de ces camps de plaisance où le luxe des rois rassemblait autrefois des automates enrégimentés, pour l’amusement de leurs maîtresses ou de leurs enfants. »
Aux Jacobins fut pour ainsi dire scellée l’alliance de Dumouriez et de Danton. C’est à la séance du 16 octobre, que Danton lui-même présidait : « Citoyens, frères et amis, dit le général, vous avez commencé une grande époque ; vous avez déchiré l’ancienne histoire de France, qui n’offrait que le tableau du despotisme : une nouvelle ère date de cette Révolution qui a électrisé nos armées, qui nous a donné le courage nécessaire pour repousser des forces supérieures. Nous ne sommes point fatigués : les peines, la misère, la faim ne nous épouvantent pas ; nous sommes plus courageux que jamais, nous rendons aux despotes ce qu’ils ont voulu nous donner. D’ici à la fin du mois, j’espère avoir soixante mille hommes pour attaquer les rois et sauver les peuples de la tyrannie. »
Et Danton l’adopta publiquement par ces fortes paroles :
« Lorsque La Fayette, lorsque ce vil eunuque de la Révolution prit la fuite, vous servîtes déjà bien la République en ne désespérant pas de son salut ; vous ralliâtes nos frères ; vous avez depuis conservé avec habileté cette station qui a ruiné l’ennemi, et vous avez bien mérité de votre patrie. Une plus belle carrière encore vous est ouverte. Que la pique du peuple brise le sceptre des rois, et que les couronnes tombent devant ce bonnet rouge dont la République vous a honoré. Revenez ensuite parmi nous, et votre nom figurera dans les plus belles pages de notre histoire. »
Quel était, à cette heure, le lien de Dumouriez et de Danton ? C’est d’abord la communauté d’épreuve et de gloire : tous les deux, l’un au centre du gouvernement, l’autre dans les armées, ils avaient porté le péril de la patrie. Tous les deux ils triomphaient avec elle.
Mais il y avait entre eux une entente plus subtile. Tous les deux, quoique avec des origines toutes différentes et des tempéraments contraires, ils excellaient à combiner le grand sens populaire avec la finesse diplomatique. Dumouriez avait des plans très mesurés et très nets. Comme nous l’avons vu, il voulait isoler la Maison d’Autriche. Il ne voulait donc ni pousser la Prusse à bout, ni généraliser la guerre et livrer l’assaut à tous les trônes au nom de la Révolution.
L’Autriche vaincue, la Prusse immobilisée par un traité de paix, la République ne courait plus aucun danger, elle était peu à peu reconnue officiellement par tous les gouvernements et tous les peuples. Et son seul exemple suffisait, sans violence, sans guerre, à propager partout l’idée de liberté, à encourager les aspirations populaires et les partis de réformes. Ces pensées nettes, précises et sages, Dumouriez espérait les réaliser par la