Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/194

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait duré quatre jours, qu’au bout de ce temps Dumouriez n’avait pas parlé de capituler ; qu’on ignorait quel parti prendrait le duc de Brunswick ; que la position de Dumouriez est inattaquable ; que les vivres sont très difficiles ; qu’à son départ, l’ordre était donné de renvoyer tous les équipages et qu’on croyait que le duc attaquerait de tous les côtés en même temps. » Nuées incertaines et flottantes où s’enveloppent d’abord les grands désastres. Seul, de Breteuil, l’éternel niais, n’est effleuré encore d’aucun pressentiment. — Le 3, mercredi ; lettre du baron de Breteuil du 28 : « Mande du 25 au soir, qu’il attendait à tout moment des nouvelles de la capitulation (de Dumouriez) » — Ô subtil défenseur de la monarchie !

Enfin, voici la grande nouvelle triste, qu’on pressentait sans se résoudre à y croire : « Le soir, à minuit, un courrier de lord Elgin apporta la nouvelle que, le 1er octobre, l’armée prussienne et autrichienne s’était retirée sur Grandpré, et, on disait, de là à Verdun. C’est un officier ; il dit que l’armée est abîmée par les fatigues, le manque de tout et les maladies ; que ne voyant arriver aucun de leurs convois, la peur d’être entouré commençait à se répandre ; que les Français faisaient bonne contenance ; qu’ils ne cessaient de faire des batteries ; qu’on avait tiré beaucoup sur eux sans qu’ils eussent répondu, ni cessé de travailler ; que les sentinelles s’étaient moquées des Prussiens quand ils sont partis ; que les habitants sont détestables, qu’ils ne donnent rien, même les paysans, aux voyageurs. »

Et de Verdun, le 2 octobre, Breteuil qui commence à comprendre, écrit à Fersen : « Vous savez et partagez tous les malheurs que la marche rétrograde des armées cumule sur nous dans le moment où nous croyions avoir tout à espérer. »

De Sainte-Menehould, « le 1er octobre 1792, l’an Ier de la République », Dumouriez adresse au ministre de la guerre qui la transmet à la Convention, une lettre qui est un cri de triomphe : « Enfin, mon cher Servan, ce que j’ai calculé, arrangé et prédit dans toutes mes lettres est arrivé. Les Prussiens sont en pleine retraite. Le brave Beurnonville, qu’on a baptisé l’Ajax français, leur a pris, depuis deux jours, plus de 400 hommes, plus de 50 chariots et plus de 200 chevaux.

« D’après tous les rapports des prisonniers et des déserteurs, cette armée est épuisée par la famine, la fatigue, le flux de sang. L’ennemi décampe toutes les nuits, ne fait qu’une ou deux lieues pour couvrir ses bagages et sa grosse artillerie. Je viens de renforcer Beurnonville, qui a plus de 20,000 hommes, et qui ne les lâchera pas qu’il n’ait achevé de les exterminer. Dès aujourd’hui, je me joins à lui de ma personne pour finir cette affaire. »

Les commissaires de la Convention à l’armée : Carra, Sillery, Prieur, exaltèrent Dumouriez dans leur rapport ; ils dégagèrent le sens des opérations :

« Le général Dumouriez, par les savantes manœuvres qu’il a faites et les