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L’Assemblée rapporta son décret, et décida que le nouveau directoire du département n’exercerait son contrôle que sur les opérations financières de la Commune. Mais la Législative fut certainement froissée du langage de Robespierre et un peu effrayée aussi. Il l’avait réduite à un rôle bien humilié, bien inférieur. Il avait concentré dans le peuple de Paris et dans la Commune qui le représentait tout le droit révolutionnaire, et quand il demandait que les « délégués du peuple », pussent s’adresser sans intermédiaire à l’Assemblée, il demandait en réalité que la Commune pût donner directement des ordres, ou, si l’on aime mieux, des indications impérieuses à la Législative. Cruelle blessure d’amour-propre pour les députés, pour les Girondins surtout qui, subissant la force des événements dont Robespierre était l’interprète, commençaient à former des révoltes de leur orgueil une accusation de dictature. Et puis, combien de temps durerait ce droit révolutionnaire de la Commune de Paris ? Si, au nom du Dix Août, la Commune pouvait subalterniser la Législative, ne voudrait-elle pas dominer aussi la Convention nationale elle-même qui, après tout, n’était appelée à la vie que par la Révolution du Dix Août ? Surtout, si, dès maintenant, tout le droit de la Révolution paraissait concentré dans la Commune de Paris, les assemblées primaires électorales de toute la France, guidées par les délégués de la Commune, n’allaient-elles point faire de la Convention nouvelle une image amplifiée de la Commune de Paris ? Grande dut être dès ces premiers jours l’inquiétude de la Gironde. Le montagnard Thuriot lui-même, tout en appuyant la motion de Robespierre, semble bien insister sur le caractère exceptionnel des circonstances. Il marque par là au pouvoir extraordinaire de la Commune un terme assez prochain. Mais c’était pour elle une importante victoire d’avoir obtenu le rappel du décret qui instituait le Directoire.

Ce pouvoir, ainsi jalousement défendu, la Commune l’emploie vigoureusement à des mesures de police révolutionnaire et de défense nationale. C’est elle qui arrête le 12 que Louis XVI et sa famille seront « déposés dans la Tour du Temple ». Et elle délègue pour le conduire du Luxembourg au Temple, son procureur Manuel, le passementier Michel, le poète tragique Laignelot, et le cordonnier Simon, celui qui plus tard gardera le Dauphin.

Elle décide en cette même séance du 12 de saisir à l’administration des postes et d’arrêter tous les journaux contre-révolutionnaires, ou, comme dit le procès-verbal « les productions aristocratiques, entre autres : l’Ami du Roi, la Gazette universelle, la Gazette de Paris, l’Indicateur (inspiré par Adrien Duport), le Mercure de France, le Journal de la Cour et de la ville et la Feuille du Jour. »

Elle appelle à sa barre le directeur des postes qui reçoit l’ordre de ne plus expédier une seule feuille royaliste ou feuillantine ; et elle prévient ainsi toute tentative de la contre-révolution pour semer la panique dans les départements, la révolte dans les armées. Elle met en état d’arrestation les auteurs