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à peine de la servitude féodale et de l’arbitraire royal, il n’y a rien, rien que le désordre stérile et l’anarchie contre-révolutionnaire, une classe qui s’oppose à ces atteintes désordonnées ne fait pas œuvre égoïste : elle fait œuvre historique et universelle. Elle ne se sauve point seulement elle-même : elle sauve toute la nation nouvelle, toute l’humanité nouvelle, et en préservant la terre de la Révolution, elle préserve les germes débiles des Révolutions nouvelles qui y tressaillent obscurément. Lorsque des socialistes accusent ou maltraitent la Convention, quand ils la rabaissent à n’être qu’une Assemblée de classe, ils abusent contre elle de son œuvre même qui a permis l’éclosion du socialisme moderne. Marx était plus juste pour elle, et il la glorifiait.

C’était donc bien au centre de la Révolution et de la vie que se plaçait Danton. C’était bien au centre même de l’action qu’il voulait rallier toutes les volontés, tous les esprits. Cette fois encore il s’efforçait de prévenir les déchirements funestes, et d’emporter dans un large mouvement les passions qui se heurtaient. Toujours il marquait, avec une sûreté admirable, le point où toutes les énergies nationales pouvaient et devaient s’unir.

Baudot, le grand conventionnel, dont Quinet tout jeune aimait le visage triste et doux, et qui a laissé sur les hommes et les choses de la Révolution des notes d’un intérêt exceptionnel, Baudot a dit de Danton qu’il était « un souverain révolutionnaire » et non pas un usurpateur. Il entendait par là qu’il gouvernait les esprits par de grands et nobles moyens, non par des procédés astucieux ou obliques, et que le secret de sa force était d’agir plus hardiment et plus nettement que les autres dans le sens des grands intérêts communs. Jamais il n’exerça plus noblement cette souveraineté révolutionnaire que le jour où, après avoir donné tout son cœur, toute son énergie à la défense du sol envahi, il traçait à la Convention, en lui remettant ses pouvoirs ministériels inconciliables avec son mandat de député, ce large plan de concorde, de sagesse et de vigueur.

Mais voici que Collot d’Herbois se lève et en quelques mots demande à l’Assemblée de remplir, sans perdre une minute, le vœu national : de décréter l’abolition de la royauté. Ce ne sera pas empiéter sur la volonté nationale : ce sera la consacrer. Ce ne sera pas attenter au droit des assemblées primaires : ce sera seulement en devancer l’exercice.

« Qu’est il besoin de discuter, s’écrie Grégoire, quand tout le monde est d’accord ? Les rois sont dans l’ordre moral ce que les monstres sont dans l’ordre physique. Les cours sont l’atelier du crime, le foyer de la corruption et la tanière des tyrans. L’histoire des rois est le martyrologe des nations ! »

L’Assemblée couvrait d’applaudissements cette philosophie un peu sommaire, cette pensée de combat. Dans la crise suprême de la lutte, les Révolutions