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qui m’avaient été déléguées par l’Assemblée législative. Je les ai reçues au bruit du canon, dont les citoyens de la capitale foudroyèrent le despotisme. Maintenant que la jonction des armées est faite, et que la jonction des représentants du peuple est opérée, je ne dois plus reconnaître mes fonctions premières ; je ne suis plus mandataire du peuple et c’est en cette qualité que je vais parler.

« On vous a proposé des serments : il faut, en effet, qu’en entrant dans la vaste carrière que vous avez à parcourir vous appreniez au peuple, par une déclaration solennelle, quels sont les sentiments et les principes qui présideront à vos travaux. Il ne peut exister de Constitution que celle qui sera textuellement, nominativement acceptée par la majorité des assemblées primaires. Voilà ce que vous devez déclarer au peuple. Les vains fantômes de dictature, les idées extravagantes de triumvirat, toutes ces absurdités inventées pour effrayer le peuple disparaissent alors, puisque rien ne sera constitutionnel que ce qui aura été accepté par le peuple. Après cette déclaration nous en devons faire une autre qui n’est pas moins importante pour la liberté et pour la tranquillité publique. Jusqu’ici on a excité le peuple parce qu’il fallait lui donner l’éveil contre les tyrans. Maintenant il faut que les lois soient aussi terribles contre ceux qui y porteraient atteinte, que le peuple l’a été en foudroyant la tyrannie ; il faut qu’elles punissent tous les coupables pour que le peuple n’ait rien à désirer. (Applaudissements.) On a paru croire, d’excellents citoyens ont pu présumer que des amis ardents de la liberté pouvaient nuire à l’ordre social en exagérant leurs principes ; eh bien ! abjurons ici toute exagération ; déclarons que toutes les propriétés territoriales, individuelles et industrielles, seront éternellement maintenues et que les contributions publiques continueront à être perçues. (Applaudissements unanimes.) Souvenons-nous ensuite que nous avons tout à revoir, tout à recréer ; que la Déclaration des Droits elle-même n’est pas sans tache, et qu’elle doit passer à la révision d’un peuple vraiment libre. (Double salve d’applaudissements.)

« Posez aujourd’hui, en représentants dignes du peuple, posez ces grandes bases, et après les avoir posées, levez votre séance ; vous aurez assez fait pour le peuple. » (Nouveaux applaudissements.)

C’était un admirable programme d’action et d’union, d’élan et d’ordre : organiser une justice révolutionnaire pour ôter tout prétexte aux mouvements spontanés et violents du peuple, frapper les ennemis de la Révolution, mais assurer l’obéissance de tous à la loi, dissiper par la consultation du peuple entier les « fantômes » de dictature : c’était laisser à la Révolution et au peuple toute leur force, en la réglant.

Danton se proposait aussi à coup sûr de désarmer, d’apaiser la Gironde. Si elle était de bonne foi, si elle redoutait vraiment une anarchie générale, et dans cette anarchie la dictature de Paris, toutes les paroles, toutes les propositions de Danton étaient calculées pour la rassurer. C’était un des prétendus