parce qu’il lui avait envoyé un émissaire à Berlin, il y a quelques mois, pour montrer repentir. (Commentaire inepte : ce fut toujours la politique de Dumouriez, d’isoler l’Autriche de la Prusse.) Mais dans ce moment il n’a rien répondu aux lettres ; il les a seulement déchirées en très petits morceaux devant le porteur et a dit : « J’y répondrai à coups de canon », le tout fait froidement. Vous voyez qu’il ne reste rien à faire avec ce drôle, au moins de ce côté-ci. Mais peut-être avons-nous la ressource de l’attaquer plus fructueusement par la voie de Rivarol, dont je vous ai parlé et qui doit avoir eu réponse de sa sœur, à laquelle je l’avais chargé d’écrire des douces et utiles propositions, tant pour elle que pour Dumouriez. Cette sœur est sa maîtresse et a, suivant Rivarol, un crédit absolu sur Dumouriez. Au reste, j’avais dit à Rivarol de s’ouvrir en mon absence à l’évêque sur ce que la sœur répondrait. »
L’esprit de Rivarol et l’onction de l’évêque, un peu inattendu en ce doux emploi, ne pouvaient réussir encore.
Autre chimère du même baron : « Je m’attache toujours à la pensée que la raison qui a fait rouvrir les portes de Paris, et en laisser sortir de nouveau sans passe-port, c’est que les misérables veulent pouvoir s’échapper à l’approche des armées. » Quel niais !
Un moment, les émigrés et les alliés eurent une raison plus solide d’espérer. Quand le passage de la Croix-aux-Bois eut été forcé par eux, ils purent croire qu’ils allaient envelopper Dumouriez. Mais celui-ci, par une retraite de nuit tout à fait habile, le 15 septembre, se dégagea. Et avec un sang-froid admirable, au lieu de se précipiter vers Paris, il resta appuyé au sud de la forêt d’Argonne, et se dirigeant vers Valmy, un peu à l’ouest et en arrière de la route que suivrait Brunswick pour aller vers Châlons, il se tint ainsi en état de surveiller l’ennemi, et au besoin, s’il poussait sa pointe, de tomber sur ses derrières. Au moment donc où il débouchait avec une armée harassée dans les plaines détrempées et mornes de la Champagne pouilleuse, Brunswick était obligé de se heurter enfin à l’armée de Dumouriez, bien établie sur les hauteurs et renforcée par les troupes de Kellermann.
C’est le combat de Valmy, sur la droite de la route qui va de Sainte-Menehould à Châlons-sur-Marne. C’est aux troupes de Kellermann que, le 20 au matin, se heurta l’armée prussienne. Dumouriez accourut dans la journée pour donner aide et conseil. Le duc de Brunswick et le roi de Prusse ne virent pas sans inquiétude cette forte armée massée sur les hauteurs et sur les pentes. Mais quoi ? maintenant que l’occasion s’offrait d’une rencontre décisive, les vieilles troupes du grand Frédéric allaient-elles hésiter ? L’attaque fut décidée ; et quand l’armée prussienne sut que les irrésolutions de ses chefs étaient enfin fixées, les souvenirs glorieux de la guerre de Sept ans planèrent sur elle. Qui donc aurait raison de ces vétérans ? Ne disaient-ils pas, en dérision des costumes des frêles volontaires, qu’ils allaient d’un geste « casser cette faïence bleue » ?