Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’écrie Dumouriez, que seront les Thermopyles de la France. » Et aussitôt, il exerce ses soldats à des marches rapides sous bois, il les habitue à dégager vite ou à obstruer les chemins.

Il fait appel à l’énergie du peuple, aux ouvriers des manufactures nombreux dans la vallée de la Meuse, aux paysans des vallons forestiers. Qu’on retire toutes les provisions devant l’ennemi, qu’on l’affame, qu’on lui barre les routes par des abatis de bois.

« Avis du général Dumouriez à tous les citoyens français des deux départements des Ardennes et de la Marne, et particulièrement des districts de Vouziers, Grandpré, Sainte-Menehould, Clermont, Sedan, Mézières, Rocroy et Réthel : Citoyens, l’ennemi fait des progrès sur le territoire des hommes libres, parce que vous ne prenez pas la précaution de faire battre vos grains, de les porter sur les derrières pour qu’ils soient sous la protection des troupes françaises ; d’apporter au camp de vos frères les fourrages et les pailles, qui vous seraient payés comptant par vos compatriotes qui respectent votre propriété ; au lieu de cela, toutes vos subsistances sont dévorées par les satellites des despotes ; leurs chevaux sont nourris de vos fourrages sans qu’il vous en revienne aucun payement. C’est ainsi que, vous-mêmes, vous donnez à nos cruels ennemis les moyens de subsister au milieu de vous, de vous accabler d’outrages et de vous remettre dans l’esclavage.

« Citoyens, je vous somme, au nom de la patrie et de la liberté, de faire apporter dans nos différents camps vos grains et vos fourrages, en faisant constater par vos officiers municipaux les quantités que vous apporterez.

« Je vous somme pareillement de faire retirer vos bestiaux et chevaux derrière nos camps ; sinon, je serai obligé, pour le salut de la patrie, de me conduire avec vous comme se conduisent nos barbares ennemis, et de faire fourrager et tout enlever de vos villages, afin qu’eux-mêmes n’y trouvent pas à subsister.

« Vous particulièrement, districts de Sedan, Mézières, Grandpré, Vouziers et Sainte-Menehould, je vous invite à profiter de l’âpreté de vos montagnes et de l’épaisseur de vos forêts, pour m’aider à empêcher l’ennemi d’y pénétrer.

« En conséquence, je vous annonce que si les Prussiens et les Autrichiens s’avancent pour traverser les défilés que je garde en forces, je ferai sonner le tocsin dans toutes les paroisses en avant et en arrière des forêts d’Argonne et de Mazarin. À ce son terrible, que tous ceux d’entre vous qui ont des armes à feu se portent chacun en avant de sa paroisse sur la lisière du bois, depuis Chevenge jusqu’à Passavant ; que les autres, munis de pelles, de pioches et de haches, coupent les bois sur la lisière et en fassent des abatis pour empêcher l’ennemi de pénétrer ; par ce moyen prudent et courageux, vous conserverez votre liberté, ou vous nous aiderez à donner la mort à ceux qui voudront vous la ravir. »