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blée législative, dans sa séance du 11 août, et sur un bref rapport de Guyton de Morveau avait décidé qu’un nouveau Directoire du département de Paris serait élu, à raison d’un membre pour chacune des quarante-huit sections. Or partout, depuis l’origine de la Révolution, entre les Directoires de département élus à deux degrés et les municipalités élues directement par le peuple il y avait eu conflit.

Et la Commune pouvait craindre que le nouveau Directoire, quoique nommé sous des influences révolutionnaires, ne contrariât bientôt le mouvement populaire dont elle était l’organe. Les protestations furent vives à la Commune et aux Jacobins. Devant ceux-ci le député Amthoine s’écria :

« Le peuple a repris sa souveraineté, et néanmoins l’Assemblée nationale a décrété aujourd’hui que les sections de Paris nommeraient un directoire. Quelle soif de directoires a donc l’Assemblée nationale ? Ne sent-elle donc pas que les seuls directoires se sont ligués dans l’empire contre la liberté ? Quel besoin d’ailleurs a-t-on de directoires ? Croirait-on encore à cette maxime de l’aristocrate Montesquieu qu’il est nécessaire que les pouvoirs se balancent ? Non, les autorités ne se balancent pas, elles se détruisent. L’Assemblée nationale a commencé par être l’esclave du roi, et voilà pourquoi le peuple a abattu la royauté. Il ne faut donc point de directoire pour contrarier les mesures d’une municipalité patriote. En rendant ce décret, je ne dis pas que l’Assemblée nationale ait eu cette intention, mais je dis qu’elle n’est pas à la hauteur des circonstances, qu’elle ne sent pas tout ce qu’est le peuple et en quoi consiste sa souveraineté. »

C’était la théorie de la souveraineté presque absolue de la Commune révolutionnaire. Le Conseil général de la Commune envoya une délégation à l’Assemblée. C’est Robespierre qui parla en son nom :

« Le Conseil général de la Commune nous envoie vers vous pour un objet qui intéresse le salut public. Après le grand acte par lequel le peuple souverain vient de reconquérir la liberté, il ne peut plus exister d’intermédiaire entre le peuple et vous. Vous savez que c’est de la communication des lumières que naîtra la liberté publique. Ainsi donc, toujours guidés par le même sentiment de patriotisme qui a élevé le peuple de Paris et de la France entière au point de grandeur où il est, vous pouvez, vous devez même entendre le langage de la vérité qu’il va vous parler par la bouche de ses délégués.

« Nous venons vous parler du décret que vous avez rendu ce matin, relatif à l’organisation d’un nouveau directoire de département. Le peuple, forcé de veiller lui-même à son propre salut, a pourvu à sa sûreté par des délégués. Obligés à déployer les mesures les plus vigoureuses pour sauver l’État, il faut que ceux qu’il a choisis lui-même pour ses magistrats aient toute la plénitude du pouvoir qui convient au souverain ; si vous créez un autre pouvoir qui domine ou balance l’autorité des délégués im-