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Détestable politique, factice et artificieuse. Roland, dès le 18, sous prétexte que la garde nationale de Paris n’avait pas su préserver du vol le garde-meuble, concluait étrangement « qu’il fallait à l’Assemblée nationale une force armée, continuellement à sa réquisition et capable, par sa constance et son activité, de maintenir à l’abri de toute atteinte et les représentants de la nation et son trésor et ses archives et ses enfants ». C’est l’idée de la garde conventionnelle départementale qui perce ; tout le plan de bataille de la Gironde, puérile et âpre, était dressé avant même que la Convention se réunît ; et Marat exaspéré, se contenant à peine malgré les avis de modération et de prudence qui lui étaient donnés de toutes parts, semblait prêt à faire malgré lui, par la violence de ses propos, le jeu des Girondins. Il s’écriait le jeudi 20 septembre, c’est-à-dire le jour même où la Convention vérifiait les pouvoirs de ses membres : « Frères et amis, n’oubliez jamais que la municipalité provisoire qu’ils s’efforcent d’anéantir a sauvé la patrie depuis le 9 août et qu’elle peut la sauver encore. N’oubliez jamais que son Comité de surveillance, qu’ils s’efforcent de rendre odieux, veille jour et nuit au salut public. N’oubliez jamais que vous seriez déjà égorgés par les conspirateurs s’il ne s’assurait des malveillants, des traîtres, des contre-révolutionnaires connus.

« Songez que pour vous garantir de leurs attentats et les mettre dans l’impuissance de machiner, il faut, dans la crise actuelle, une maison d’arrêt où soient enfermés les malveillants et les ennemis de la patrie, jusqu’à ce que la liberté soit assurée. Demandez vous-mêmes cette maison à la Commune et pressez-la d’en choisir une sûre et commode où ils vivront à leurs dépens. C’est assurément la plus douce des mesures à prendre contre eux que de les traiter de la sorte. »

Et le 21 septembre, c’est-à-dire le jour de la première séance effective de la Convention, Marat, après avoir raillé assez agréablement Pétion : « Pétion est un bon homme, un homme probe, j’en conviens ; il figurerait à merveille dans une place de juge de paix, d’arbitre, de caissier municipal, de receveur de collège, de receveur de district ; mais il a des yeux qui ne voient rien, des oreilles qui n’entendent rien, une tête qui ne réfléchit sur rien, » termine par ces paroles graves et faciles à exploiter contre lui :

« Une seule réflexion m’accable, c’est que tous mes efforts pour sauver le peuple n’aboutiront à rien, sans une nouvelle insurrection. À voir la trempe de la plupart des députés à la Convention nationale, je désespère du salut public. Si dans les huit premières séances toutes les bases de la Constitution ne sont pas posées, n’attendez plus rien de ces représentants. Vous êtes anéantis pour toujours, cinquante ans d’anarchie vous attendent, et vous n’en sortirez que par un dictateur vrai patriote et homme d’État. Ô peuple babillard, si tu savais agir ! »

Ainsi, le sourd retentissement de l’orage qui se développait depuis plus d’un mois faisait vibrer, si je puis dire, la porte de la Convention. Sur le