Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ses amis ne voulaient-ils pas étendre sur l’Abbaye et la Force le voile d’amnistie dont ils couvraient la Glacière ? L’intérêt politique était encore plus grand puisque c’est au centre même de la France et de la Révolution qu’il s’agissait de rétablir le calme, de ramener par un juste oubli la concorde et l’élan.

Mais surtout Barbaroux aurait dû apprendre à ses amis les Girondins que ces interventions abusives, ces prétentions dominatrices qu’ils reprochaient si âprement à la Commune de Paris, on aurait pu les reprocher aussi aux Communes des Bouches-du-Rhône. Dans le corps-à-corps incessant avec la contre-révolution, dans les luttes implacables contre les royalistes d’Arles, contre les papistes d’Avignon et de Carpentras, elles avaient pris l’habitude des initiatives souveraines. Et les groupements révolutionnaires y empiétaient constamment sur le pouvoir légal, sur les « autorités constituées ». C’est Barbaroux lui-même qui le constate : « Si l’assemblée (électorale) s’était bornée à l’élection des députés, je n’en ferais aucune mention ; mais poussée par le malheur des temps elle exerça de grands pouvoirs, elle me confia à moi-même une grande autorité. Dès la seconde séance on annonça des troubles à Tarascon où la Révolution ne manquait pas d’ennemis. Des lettres successives nous apprirent l’insurrection de plusieurs villages, les excès commis dans quelques autres, la complète désorganisation d’un bataillon du département, dont les compagnies s’étaient entretuées à Arles, et l’existence de beaucoup de manœuvres dans le département. Son directoire était sans énergie, les districts sans confiance, les municipalités sans talents. Il n’y eut qu’une voix pour s’emparer de l’autorité publique. On argumentait surtout de l’état de révolution où se trouvait la France depuis le 10 août. On faisait valoir la nécessité de comprimer les troubles par de grandes mesures. L’autorité plaît, l’Assemblée s’en empara. Elle me chargea ensuite de l’exécution de ses arrêtés ; c’était m’investir du pouvoir exécutif. J’acceptai dans l’espérance d’empêcher quelque mal ; mais je voulus qu’on me nommât un conseil de douze personnes. L’assemblée m’en ayant donné le choix, je les pris dans les divers districts, et parmi les personnes les plus sages. »

Et encore, Barbaroux est contraint d’ajouter : « Le corps électoral voulut ensuite se déclarer permanent ; mais les observations que je fis, et plus encore la force des choses qui rappelaient chacun à ses affaires firent rejeter cette proposition. Pourtant, avant de se séparer, il me donna bien du souci par un arrêté que provoqua Moïse Bayle, président de l’assemblée… Cet arrêté attribuait aux électeurs (du second degré) le pouvoir de suspendre dans son canton les fonctionnaires publics, et d’ordonner des arrestations. Il me fallut lutter contre l’amour-propre de chacun. Cependant je parvins à atténuer beaucoup cette autorité monstrueuse dans les pouvoirs que je délivrai. Aussi n’ai-je pas entendu dire qu’elle ait été funeste. »

Mais qu’est-ce donc que tout cela, sinon les procédés les plus inquiétants de la Commune de Paris ? Et qu’aurait répondu Barbaroux si on lui avait dit