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Au fond, malgré l’influence éclatante et superficielle de Barbaroux, ce n’était pas une élection de secte et de faction que faisait l’Assemblée d’Avignon. C’est un jet puissant de force révolutionnaire qui s’élance sous le soleil ardent, et les fugitifs et incertains reflets dont il se colore suivant la marche du jour ne sont guère significatifs. Ce qui importe, c’est la force du jaillissement, c’est l’exubérance de vie et de foi. Ainsi, dans les Bouches-du-Rhône comme dans l’Eure, et malgré la présence active de deux Girondins influents et passionnés, c’est toute la force nationale et révolutionnaire qui se soulève d’un seul jet.

C’est un grand acte d’unité dans la liberté et la patrie qui s’accomplit. Contre la royauté frappée le 10 août, contre les traîtres qui la soutiennent, contre les Feuillants qui la servent et la ménagent, les électeurs des départements donnent avec ensemble. Ils sont surtout sous le rayon d’influence de la Gironde qui occupe les postes les plus éclatants et le premier plan du pouvoir et de l’action ; mais ils n’ont pas dressé, si je puis dire, le compte respectif des diverses factions révolutionnaires qui se disputent à Paris. Ils sont pour toute la Révolution avec tous les révolutionnaires, et les questions qui divisent ne sont même pas sérieusement posées. Grande force à cette date pour la Révolution !

À Paris, au contraire, le peuple fait nettement un choix. Il écarte brutalement tous les Girondins, tous ceux qui ont touché à la Gironde, Condorcet comme Brissot. Il nomme Robespierre le premier, Danton, Collot d’Herbois, Billaud-Varennes, Desmoulins, Marat, Panis, Sergent, Fabre d’Églantine, Robespierre le jeune et aussi le duc d’Orléans, devenu Philippe Égalité. C’est donc, surtout, si l’on peut dire, la Commune en tous ses éléments qui est envoyée par Paris à la Convention.

Est-il vrai, comme les Girondins l’ont affirmé, que les élections parisiennes furent faites sous la terreur ? Elles furent très passionnées. Les assemblées électorales ne voulurent point voter en silence : elles exigèrent que les diverses candidatures fussent publiquement débattues et ainsi les assemblées d’élection se transformèrent en clubs orageux. Il est possible que la peur de la Commune encore toute-puissante eût détourné déjà des assemblées primaires les citoyens qui n’allaient point dans son sens. Et il est probable aussi que devant les Assemblées électorales il eût été malaisé aux candidats girondins de s’expliquer et de se défendre. Le peuple leur reprochait violemment leurs longues hésitations à frapper le roi et leur hostilité contre la Commune. Il paraît bien qu’ils n’affrontèrent pas l’orage. Et cela seul prouve que la violence ne faussa pas l’élection. Car si la Gironde avait eu un point d’appui à Paris dans le sentiment public, elle était assez organisée, assez habile et secondée par le ministère de l’Intérieur pour tenter la bataille, et déjouer les manœuvres terroristes d’une minorité ; mais elle s’avoua vaincue presque sans combat. Je ne relève guère qu’une protestation véhémente et mélodra-