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de Jean-Bon Saint-André. Contre toutes les forces modérées et feuillantines, il ne fut élu à la Convention qu’assez péniblement.

Mais, malgré tout, dans l’ensemble du pays, le mouvement de la Révolution fut à peu près irrésistible. J’ai déjà dit combien les décrets de la Législative relatifs aux droits féodaux le secondaient. De plus, à ce moment, la vente des biens d’Église était presque terminée. Nombreuses en toute commune étaient les familles irrémédiablement compromises et qui perdaient tout, la propriété, peut-être la vie, si la Révolution succombait.

Même en Vendée, presque tout le domaine de l’Église avait été absorbé à la fin de 1792. Dans le district de Fontenay, les biens étaient évalués à 12.577.000 livres ; il en avait été vendu à la date du 1er septembre 1792 plus de dix millions de livres. Dans tout le département de la Vendée, les biens mis en vente étaient évalués à 28.273.344 livres ; à la date du 1er septembre 1792, il en avait été vendu pour 23.811.186 livres. Ainsi, partout, même dans les régions les plus réfractaires, c’est par des racines multipliées que la Révolution tenait au sol ; toutes ces influences de propriété révolutionnaire agissaient puissamment dans les assemblées primaires et dans les assemblées électorales.

Mais trois grandes forces immédiates décidaient les esprits. D’abord le pouvoir révolutionnaire institué par l’Assemblée après le 10 août, le Conseil exécutif provisoire, était le seul pouvoir de fait. Il était le gouvernement. Et tenter un retour vers la monarchie, ce n’était pas seulement compromettre toutes les conquêtes de la Révolution, c’était aller vers l’anarchie. L’instinct de l’ordre s’unissait aux grands intérêts révolutionnaires pour grouper le peuple de France autour du pouvoir nouveau. Et celui-ci ne craignait pas, dans ses rapports avec les assemblées électorales, de faire office de conseiller et acte de gouvernement.

Le Conseil exécutif provisoire rédigea le 25 août un manifeste, et il l’adressa aux électeurs rassemblés. Partout il en fut donné lecture au cours même de l’élection. Lecture fut donnée aussi aux assemblées électorales de l’exposé des motifs rédigé par Condorcet, et par lequel la Législative expliquait la révolution du 10 août. Les pièces trouvées aux Tuileries et qui démontraient la longue fourberie du roi subventionnant sur la liste civile les ennemis de la Révolution produisirent un grand effet.

Enfin et surtout, dans l’ensemble de la France, l’union des partis révolutionnaires fut à peu près complète. La division entre robespierristes ou maratistes et girondins, si âpre à Paris, ne s’était guère encore propagée en province. De loin, Vergniaud et Robespierre apparaissaient au peuple comme des alliés, travaillant à la même œuvre par des moyens à peine différents. La circulaire électorale des Jacobins qui ne faisaient qu’un bloc de tous les députés qui avaient voté contre Lafayette, contribuait à cette entente.

En réalité, c’est la journée du 10 août qui était mise aux voix, et quelles