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vigoureux frappés par le peuple au 20 juin et au 10 août avaient retenti au plus profond du pays, et la force populaire avait effrayé ceux qu’elle n’avait pas entraînés.

En Vendée, par exemple, où l’ancien maire Delouche, le ci-devant noble Baudry d’Asson avaient soulevé les paysans en juillet 1792, l’assaut de la contre-révolution sur Bressuire venait d’être repoussé ; tous les patriotes étaient en armes, et les paysans contre-révolutionnaires n’osèrent pas, à la fin d’août, se rendre aux assemblées primaires. Ils n’osèrent pas participer à l’assemblée électorale qui se tint à la Châtaigneraie le 2 septembre. Les prêtres réfractaires leur interdisaient d’ailleurs, comme une complaisance au démon, toute participation à la légalité révolutionnaire. Ainsi, aux élections vendéennes, la contre-révolution ne pouvait pas faire sentir toute sa force. Elle essaya pourtant, par ruse, de dessaisir les députés à la Législative, Goupilleau surtout, qu’elle détestait particulièrement, de tout mandat nouveau. Elle répandit le bruit que la Législative continuerait à siéger en même temps que la Convention, qui ne s’occuperait absolument que du problème constitutionnel. Les députés à la Législative ne pouvaient donc pas être élus à la Convention. Il fallut démentir officiellement ce faux bruit.

En bien des régions de France, royalistes et Feuillants s’entendaient pour semer la panique. La religion était détruite, la France était lancée dans l’inconnu ; elle ne sortait plus des révolutions ; après le 14 juillet, le 5 octobre, puis la crise de Varennes et une première suspension du roi, puis le 20 juin, puis le 10 août. Une agitation menait à une agitation et l’abîme ouvrait sur l’abîme.

Un défi imprudent avait été lancé à l’Europe, et pour délivrer le roi captif, pour sauver ou pour venger le roi martyr, les armées et les peuples allaient fondre sur nous. Déjà Longwy était tombé, Verdun et Thionville étaient investis, Que de sang ! Que de larmes ! Que de fatigues ! Que de périls, et aussi que de ruines ! Le crédit de l’assignat baissait, et cette baisse de l’assignat haussait le prix des denrées. On commençait à taxer le blé. Bientôt c’est à la propriété qu’on s’attaquerait. C’est aux propriétaires qu’on demanderait par la confiscation de leurs terres le moyen de soutenir une lutte gigantesque et insensée, et la terre ainsi confisquée serait ou vendue à vil prix ou partagée entre les gueux, les fainéants, les incendiaires. Après le noble le prêtre, après le prêtre le riche bourgeois, après le riche bourgeois le cultivateur maître de son domaine ; la bourgeoisie rejoindrait bientôt au fond du gouffre noblesse et clergé, et la loi agraire, suite inévitable de la République que l’on préparait, achèverait de passer sur tout le niveau.

C’est à coup sûr une bonne fortune pour la Révolution que les événements du 2 et du 3 septembre n’aient été connus dans la plupart des régions que lorsque les députés à la Convention étaient déjà nommés, ou que tout au moins le mouvement des électeurs dans le sens révolutionnaire était déjà