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quent des piques, des centaines de quintaux de fer ; elle fait transporter à la Maison Commune, pour en régler la répartition, vingt mille paires de souliers emmagasinés à Saint-Denis. Et craignant que la main-d’œuvre ne soit détournée des travaux de salut public par les demandes de bras qui affluaient de toute part, elle immobilise pour ainsi dire, les ouvriers de Paris à la disposition de la patrie : « Les serruriers, charrons, cordonniers taillandiers et autres ouvriers des étals ou professions de première nécessité sont invités à rester à Paris jusqu’à ce que la nécessité publique se fasse entendre ». Elle vote des subsides pour l’armement des volontaires. Il y a là un vaste effort patriotique, généreux et ordonné.

C’est comme un souffle large et sain qui passe dans les rues de Paris et qui les purifie de l’odeur du sang. La Commune, comme pour en finir avec un souvenir pesant, décide que les objets ayant appartenu aux prisonniers, linge, bijoux, seront remis à leurs héritiers et ayants droit. Et enfin, pour marquer que la crise est finie, que les transactions régulières et paisibles vont reprendre, elle rouvre les barrières et décide qu’à dater du mercredi 12 « la Bourse sera ouverte à tous les négociants, agents d’affaires et autres citoyens ». Elle cherche par là à rassurer, à reconquérir la bourgeoisie commerçante et financière.

Ainsi Marat avait, en quelques jours, perdu toute chance de faire de la Commune révolutionnaire l’instrument de sa politique, et il était réduit à continuer la lutte tout seul par des articles tout à fait véhéments et des placards exaspérés.

Robespierre ne pouvait plus se promettre, comme sans aucun doute il en eut un moment la pensée dans la soirée du 2, que sous l’action révolutionnaire de la Commune, rapidement étendue à toute la France, la puissance politique de la Gironde allait être anéantie presque en un coup. Il n’y a plus de coups de foudre et de dramatiques effondrements. C’est un combat de chaque jour, patient, tenace, à la fois menu et forcené, que maratistes et robespierristes d’un côté, et girondins de l’autre, vont se livrer à propos des élections et aussitôt après les élections.

Malgré leurs divisions, les partis révolutionnaires avaient un souci commun. Robespierristes et girondins étaient également intéressés à faire consacrer par le pays la Révolution du Dix-Août, à écarter la coalition contre-révolutionnaire des royalistes, des prêtres et des Feuillants. D’ailleurs l’ébranlement de la lutte engagée entre Robespierre et Brissot ne s’était pas encore communiqué à la France.

Après le 20 juin, après le 10 août, une seule question se posait pour l’immense majorité des citoyens : Faut-il rétrograder, remettre le roi en liberté et lui restituer une partie au moins de son pouvoir ? Ou faut-il en finir avec la monarchie, la mettre décidément hors d’état de trahir et de nuire ? La contre-révolution n’osa pas, en bien des points, affronter la lutte ; les coups