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« Je pense que lorsque vous avez une conviction intime que toute la France, toute l’Europe partage avec vous ; lorsque vous avez une conviction qui sera celle de la postérité, je crois, messieurs, que ces preuves morales doivent suffire à l’homme d’État. Il faut sauver l’État et vous ne le sauverez pas, si vous voulez faire juger les conspirateurs comme des perturbateurs ordinaires de la tranquillité… La transition de l’Assemblée constituante à la législation actuelle doit être l’entière et absolue solution de continuité entre l’ancien régime et le nouveau. Sous l’ancien régime, tous les gens puissants échappaient à la loi ; aujourd’hui la loi doit les atteindre par tous les moyens qui sont possibles et praticables. Je ne balance point à dire que vous devez renoncer à la Haute-Cour nationale et aux tribunaux et aux formes judiciaires, parce que votre premier devoir est de sauver l’Empire qui est confié à votre sollicitude. » (Applaudissements.)

Couthon réduisit son amendement aux princes et aux fonctionnaires publics :

« Seront réputés prévenus d’attentat et de complot contre la sûreté générale et contre la Constitution et seront mis, en conséquence, en état d’accusation, ceux des princes français et des fonctionnaires publics qui resteraient hors du royaume et n’y rentreraient pas d’ici au premier janvier prochain. »

Sous cette forme nouvelle, l’amendement de Couthon fut adopté à la presque unanimité en addition à l’article 2 du Comité, adopté également. La suite fut adoptée presque sans débat :

« Article 3. — Dans les quinze premiers jours du même mois, la Haute-Cour nationale sera convoquée s’il y a lieu.

« Article 4. — Les revenus des émigrés condamnés par contumace seront, pendant leur vie, perçus au profil de la nation, sans préjudice des droits des femmes, enfants et des créanciers, dont la légitimité aura été reconnue antérieurement au présent décret.

« Article 5. — Dès à présent, tous les revenus des princes français absents du royaume seront séquestrés. Nul payement de traitement, pension ou revenus quelconques ne pourra être fait directement ou indirectement auxdits princes, leurs mandataires ou délégués, jusqu’à ce qu’il ait été autrement décidé par l’Assemblée nationale, sous peine de responsabilité et de deux années de gêne contre les ordonnateurs et payeurs. La même disposition est applicable, en ce qui touche leurs traitements et pensions, à tous les fonctionnaires publics, civils ou militaires et aux pensionnés de l’État.

« Article 6. — Toutes les diligences nécessaires pour la perception et le séquestre décrétés par les deux articles précédents, seront faites à la requête des procureurs-syndics des départements, sur la poursuite des procureurs-syndics de chaque district où seront les dits revenus, et les deniers en provenant seront versés dans les caisses des receveurs de district, qui en demeureront comptables. Les procureurs-syndics feront parvenir tous les mois au