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5o S’attacher à maintenir l’harmonie entre les deux premiers pouvoirs constitutionnels ;

6o Se mettre en état constitué, faire des lois, régler l’éducation publique, etc., etc. ;

7o Ne s’occuper des affaires étrangères que pour terminer par négociation les difficultés relatives aux princes possessionnés en Alsace, seul chef sérieux de querelle entre les étrangers et nous, mais qui, perpétuant les débats, pouvait sans cesse aigrir les esprits. Ne songer d’ailleurs aucunement aux émigrés et aux puissances ; montrer à leur égard la tranquillité de la force ; ne donner aux étrangers aucun signe de crainte ; et en même temps aucun sujet d’offense, et marquer par toute sa conduite que, déterminé à ne jamais reconnaître leur influence dans nos affaires intérieures, on l’était également à les laisser faire tranquillement les leurs, et à laisser en paix leur système de gouvernement comme on voulait qu’ils y laissassent le nôtre.

« Si l’on eût suivi cette marche, il n’est pas douteux que tous les obstacles n’eussent bientôt disparu.

« Bientôt aussi les puissances cessant de nous craindre comme un corps contagieux, et commençant à nous considérer comme une puissance organisée, auraient commence à spéculer à notre égard, suivant les vues ordinaires de la politique : chacune eût recherché notre alliance et redouté notre inimitié ; nous serions rentrés dans le système général de l’Europe où nous aurions été les maîtres d’adopter les vues que notre nouvelle manière d’exister nous eût fait paraître avantageuse. »

Voilà les conseils que donnait, voilà les perspectives qu’ouvrait Barnave à Marie-Antoinette et à Louis XVI et il y ajoutait à coup sûr, reprenant la pensée de Mirabeau, que par là le roi s’assurerait d’abord tranquillité et sécurité, puis, dans des conditions nouvelles, un pouvoir plus grand qu’autrefois, à la tête d’un peuple libre et plus fort. Sans doute la Cour feignait d’entrer dans ces vues, mais elle dupait Barnave, car, tandis qu’il voulait que la royauté fit un usage vigoureux, conservateur et monarchique, mais loyal, de la Constitution, elle n’en simulait le respect que pour en mieux ménager la révision forcée sous la menace de l’étranger. Malgré tout, par ses relations mêmes avec des révolutionnaires constituants, elle accréditait l’idée qu’elle acceptait enfin la Constitution, et cachant ainsi son jeu, elle ne donnait presque pas prise à ses adversaires. En tout cas, sa conduite apparente était assez correcte, assez légale pour endormir un peuple déjà fatigué et surmené.

Trompée par ces apparences, l’Assemblée législative pouvait facilement aussi incliner au modérantisme et glisser peu à peu sous le pouvoir et l’intrigue du roi. On a vu avec quelle rapidité elle avait retiré ses premières mesures agressives : elle paraissait peu faite pour la bataille continue, vigoureuse, contre l’autorité royale.

Préoccupée de dresser les comptes des finances publiques, préoccupée