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« On ne peut voir sans frémir les suites d’un tel événement et à quoi nous serions exposés ici. Il faut donc à tout prix le prévenir, et ce n’est que l’Empereur qui le puisse, en commençant le Congrès, en indiquant de suite le lieu et quelques-uns des membres qui le composeront. »

On pourrait croire par un billet de Mercy à Marie-Antoinette, du 26 octobre, que l’Empereur se rallie en effet à l’idée d’un Congrès : « On avait réglé d’avance tout ce qu’indique la note du 19 sur l’utilité d’un Congrès, il est plus que probable que les puissances s’y rallieront. On y est très décidé à Vienne, où cette même note du 19 sera envoyée sans retard. Les princes se plaignent maintenant de l’Empereur et lui attribuent tous les délais et obstacles à leurs projets. Le monarque est très dégoûté de pareils procédés ; il emploie tous les moyens qui sont en son pouvoir pour arrêter les projets actifs des princes. »

Mais dès le 21 novembre, Mercy-Argenteau apprend à Marie-Antoinette qu’elle ne doit pas compter sur le Congrès. L’Empereur estime que le Roi doit faire l’essai de la Constitution. Il doit tout au moins tenter de ramener à lui les esprits et c’est seulement « s’il arrivait le contraire » de ce qu’on peut se promettre de cette politique, que les puissances interviendraient. « Partant de ce plan, on croit un Congrès inutile, même impossible. On ne peut traiter avec les usurpateurs de l’autorité souveraine ; le roi ne peut se charger de leur mandat, et s’il s’en chargeait, que pourrait-on lui demander qui ne fût en contraste avec les engagements qu’il vient de prendre puisque tout ce qui serait demandé ne pourrait l’être qu’au nom et pour le roi ? ce monarque se chargeant de traiter, aurait à soutenir le pour et le contre. Si, sur un refus on se détermine à faire la guerre, à qui la fera-t-on ? puisqu’après l’acceptation on ne peut plus séparer le roi de l’Assemblée nationale. »

L’empereur d’Autriche ne se borne donc pas à refuser toute intervention diplomatique comme toute intervention armée, il essaie de persuader à Louis XVI et à Marie-Antoinette que liés par leur acceptation de la Constitution ils sont condamnés à l’incohérence et à l’impuissance s’ils n’agissent pas dans le sens de la Constitution.

Louis XVI insiste encore par un mémoire du 25 novembre à l’adresse du baron de Breteuil : « Toute la politique doit se réduire à écarter les idées d’invasion que les émigrés pourraient tenter par eux-mêmes : ce serait le malheur de la France si les émigrés étaient en première ligne, et s’ils n’avaient des secours que de quelques puissances.

« Qui dit que d’autres, comme l’Angleterre, ne fourniraient pas au moins en secret des secours à l’autre parti, et ne tireraient pas avantage de la fâcheuse situation de la France se déchirant elle-même ?

« Il faut persuader aux émigrés qu’il ne feront rien de bien d’ici au printemps ; que leur intérêt ainsi que le nôtre demande qu’ils cessent de donner des inquiétudes. On sent bien que s’ils se croyaient abandonnés, ils se porte-