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communaux. Il fallait aussi restituer aux communes tous les biens usurpés depuis des siècles par les seigneurs.

Ce fut l’objet d’une proposition très importante et très étendue que Mailhe apporta à l’Assemblée, le 25 août, au nom du Comité féodal. Elle abolissait tous les effets de l’ordonnance de 1669, obligeait le seigneur à rendre aux communes (sauf production d’un titre précis et fondé de propriété pour le seigneur) toutes les terres vaines et vagues. La loi proposée cassait toutes les décisions de justice qui depuis des siècles avaient été contraires au droit et à l’intérêt des communes et des paysans. Elle ne put pas non plus être votée par la Législative qui la légua à la Convention. Mais la voie était ouverte et les paysans savaient qu’à marcher dans le sens de la Révolution ils trouveraient, pour ainsi dire, à chaque pas un bienfait nouveau.

Déjà, pour la vente des biens des émigrés, l’exécution commençait. L’Assemblée craignant que beaucoup d’émigrés, pour échapper aux prises de la nation, ne convertissent leurs propriétés foncières en valeurs mobilières et au porteur, rendit le 23 août un décret par lequel tous les débiteurs des émigrés étaient tenus de faire connaître leurs dettes. De plus « il est ordonné à tous les notaires, avoués, greffiers, receveurs des consignations, régisseurs, chefs et directeurs des compagnies d’actionnaires, et tous autres officiers publics ou dépositaires, de faire à la municipalité de leur résidence, dans les huit jours qui suivront la publication du présent décret, leur déclaration des valeurs, espèces, actions, bordereaux et autres effets au porteur, des titres de propriété, contrats de rentes, obligations à jour fixe, billets et généralement de tous les objets qui sont entre leurs mains » appartenant à des émigrés. Ces déclarations devaient être faites sous serment.

Le 25 août, l’Assemblée adoptait un vigoureux décret appliquant la loi aux biens des émigrés aux colonies.

« Les biens que possèdent dans les colonies faisant partie de l’empire les Français notoirement émigrés seront saisis et vendus au profit du Trésor public, pour le prix en revenant servir d’indemnité à la nation. — Pour faciliter les ventes, les corps administratifs pourront faire procéder à l’adjudication, soit en annuités payables en douze années, soit en rentes amortissables. — Aussitôt la promulgation du présent décret dans chacune des colonies, le procureur de chaque commune fera faire, à sa requête, défense à chaque géreur de biens sur lesquels ne résidera pas le propriétaire, ou dont ledit propriétaire n’aura pu prouver sa résidence, de se dessaisir en sa faveur d’aucuns deniers ; il le contraindra par les voies légales de verser le revenu de l’habitation confiée à ses soins, à la caisse de la colonie… sauf les sommes nécessaires pour continuer la faisance valoir, qui seront déterminées sur la demande du régisseur par les municipalités. »

Le coup était rude pour cette aristocratie coloniale qui avait attisé si passionnément en France la contre-révolution.