Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/556

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le ci-devant seigneur de produire son titre primitif ; s’il le produit, l’acquéreur sera tenu de faire le rachat des droits casuels conformément aux lois précédentes ; s’il ne le produit pas dans les trois mois du jour où la sommation lui aura été faite, l’acquéreur sera affranchi à perpétuité du payement et rachat de tous droits de cens, lods et ventes et autres, sous quelque dénomination que ce soit, et le ci-devant seigneur sera irrévocablement déchu de toute justification ultérieure. »

Et l’article 4 ajoute :

« Tout propriétaire pourra faire la même sommation au ci-devant seigneur, si le titre primitif se trouve en règle, il ne sera tenu de faire le rachat qu’en cas de vente. »

Ces articles suffisent à caractériser l’esprit du projet ; par tous les moyens il favorisait le rachat de ceux des droits casuels qui étant justifiés par un titre primitif n’étaient point abolis sans indemnité.

De même, le projet éteignait la solidarité des redevables :

« Toute solidarité pour le payement des cens, rentes, prestations et redevances, de quelque manière qu’ils soient, et sous quelque dénomination qu’ils existent, est abolie sans indemnité ; en conséquence, chacun des redevables sera libre de servir sa portion de rente sans qu’il puisse être contraint à payer celle de ses codébiteurs. »

Mais voici à la date du 25 août, dans le texte définitif soumis par Mailhe au nom du Comité féodal, le décret décisif. Il ne se borne pas à faciliter le rachat. Il décide que tous les droits féodaux, absolument tous, les droits censuels et annuels comme les droits casuels, sont abolis sans indemnité, à moins que la preuve ne soit faite par acte primitif qu’ils sont le prix d’une concession de fonds.

Les lois de la Constituante n’avaient aboli sans indemnité que les redevances qui représentaient la rançon de la servitude personnelle. Quant à celles bien plus nombreuses, qui représentaient la main-morte réelle, ou la main-morte mixte, semi-réelle, semi-personnelle, elles devaient être rachetées. La Législative tranche ce nœud de servitude et abolit toutes les redevances sans indemnité.

« Tous les effets qui peuvent avoir été produits par la maxime : nulle terre sans seigneur, par celle de l’esclavage, par les statuts, coutumes, et règles qui tiennent à la féodalité demeurent comme non-avenus.

« Toute propriété foncière est réputée franche et libre de tous droits, tant féodaux que censuels, si ceux qui les réclament ne prouvent le contraire dans la forme prescrite ci-après.

« Tous les actes d’affranchissement de la main-morte réelle ou mixte, et tous autres actes équivalents, sont révoqués et annulés. Toutes redevances, dîmes ou prestations quelconques, établis par les dits actes en représentation de la main-morte, sont supprimées sans indemnité.