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daux ; et tout de suite aussi, elle comprend qu’elle doit enfin résoudre le problème en toute son étendue, et elle décide que la discussion sur les restes du régime féodal sera inscrite à l’ordre du jour le plus prochain.

Le même jour, 16 août, un délégué des communes rurales du Laonnais, Cagniard, demande « au nom des lois, de la liberté et de l’égalité sociale », la suppression de tous les droits féodaux dont on ne prouvera pas, par titres primordiaux, qu’ils sont le prix d’une concession de fonds. Et immédiatement, comme si elle voulait ne pas perdre une minute, et ne pas laisser à l’impatience paysanne le temps de s’aigrir, l’Assemblée, avec une soudaineté révolutionnaire, décrète « que les droits féodaux et seigneuriaux de toute espèce sont supprimés sans indemnité lorsqu’ils ne sont pas le prix de la concession primitive du fonds ». Et elle renvoie à son Comité féodal le soin de préciser sans délai les conditions de la preuve.

Ainsi, comme des plantes parasites attachées à la vieille monarchie et qui aggravaient son ombre meurtrière, les droits féodaux tombent en un jour avec la royauté elle-même.

Le 20 août, au nom du Comité féodal, Lemalliand apporte un projet de décret qui n’allait pas encore à la racine, mais qui était cependant de grande conséquence. Ce décret s’appliquait aux droits féodaux pour lesquels le rachat était maintenu parce que le seigneur avait pu faire la preuve par titres primitifs qu’ils étaient le prix d’une concession de fonds. Et le but du décret était de faciliter le rachat. Pour cela, il fallait décider d’abord que les divers droits pourraient être rachetés séparément, ensuite que les divers redevables, s’ils étaient solidaires, pouvaient se libérer séparément, chacun pour leur part.

Le décret fut adopté sans opposition aucune. L’article premier disait :

« Tout propriétaire de fief ou de fonds ci-devant mouvants, d’un fief en censive, ou roturièrement, sera admis à racheter séparément soit les droits casuels qui seront justifiés par la représentation du titre primitif de la concession de fonds, soit les cens et autres redevances annuelles et fixes, de quelque nature qu’ils soient, et sous quelque dénomination qu’ils existent, sans être obligé de faire en même temps le rachat des uns et des autres. Il pourra aussi racheter séparément et successivement les différents droits casuels justifiés par la représentation du titre primitif. »

L’article 2 abaissait singulièrement le prix du rachat :

« Le rachat des droits casuels n’aura lieu que sur le pied de la valeur du sol inculte, et sans y comprendre la valeur des bâtiments, à moins que le titre primitif d’inféodation n’annonce que le sol était cultivé et que les bâtiments existaient à cette époque, et dans ce cas, le rachat ne se fera que sur le pied de la valeur des bâtiments et du sol au moment de l’inféodation. »

L’article 3 faisait dépendre le moment du rachat de la seule volonté du nouveau redevable.

« Tout acquéreur pourra, immédiatement après son acquisition, sommer