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heure de danger le vrai devoir des représentants du peuple était de demeurer à leur poste. L’assemblée applaudit.

Cependant le Château tendait un piège à Pétion. Il y était appelé, et le maire craignant d’être gravement compromis s’il refusait de répondre à cet appel se rendait aux Tuileries. Là il est visible qu’on voulait surtout le garder comme otage. Effrayés de sa longue absence, les administrateurs de la commune de Paris écrivirent à l’Assemblée, et celle-ci, pour le sauver, l’appela à sa barre. Mandat, qui commandait la garde nationale et qui était dévoué à la Cour, n’osa pas retenir Pétion ; le maire se rendit à la barre de l’Assemblée, fit allusion, en termes mesurés, aux paroles offensantes qui lui avaient été dites ; il annonça que les mesures de défense prises par le Château étaient très fortes, suffisantes à arrêter tout mouvement. Pétion voulait-il donner au peuple de Paris un suprême conseil de prudence ? Ou bien fournir à l’Assemblée le prétexte dont elle avait besoin pour ne pas intervenir ? Ou encore s’autoriser ainsi lui-même à ne pas renforcer la défense du Château ? Cependant l’Assemblée générale des sections se réunissait à l’Hôtel de Ville. Et les sections les plus hardies, celle du Théâtre Français, celle des Gravilliers, ouvraient l’avis vers trois ou quatre heures du matin, qu’il fallait remplacer par des autorités nouvelles et révolutionnaires les autorités constituées.

Vers l’aube, au moment où de tous les faubourgs, de Saint-Antoine, de Saint-Marceau, les fédérés, les ouvriers se formaient en colonne et marchaient sur les Tuileries, l’Assemblée des sections se substitua à la Commune légale et s’organisa en Commune révolutionnaire.

C’était un coup hardi et peut-être décisif, car par là, le peuple combattant avait derrière lui l’appui d’une force politique organisée. Par là aussi l’état-major de la garde nationale, son commandant Maudat frappés de destitution, pouvaient être pris de trouble. Et la Commune révolutionnaire jetait le doute et le désarroi dans les rangs de l’ennemi. La nouvelle Commune prit aussitôt l’arrêté suivant qui la constituait :

« L’Assemblée des commissaires de la majorité des sections, réunis en plein pouvoir pour sauver la chose publique, a arrêté que la première mesure que la chose publique exigeait était de s’emparer de tous les pouvoirs que la Commune avait délégués, et ôter à l’état-major l’influence dangereuse qu’il a eue jusqu’à ce jour sur le sort de la liberté. Considérant que ce moyen ne pouvait être mis en usage qu’autant que la municipalité, qui ne peut jamais, et dans aucun cas, agir que par les formes établies, serait suspendue de ses fonctions, et que M. le Maire et le Procureur général de la Commune qu’ils laissaient administrateurs, continueraient leurs fonctions administratives. »

C’était signé de Huguenin, président, et de Martin secrétaire ; tous ces hommes jouaient leur tête. Ainsi, c’est parce que les autorités constituées ne pouvaient s’affranchir des formes légales que les sections les brisaient. Pétion et Manuel, qui étaient maintenus, recevaient une nouvelle investiture, mais