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les plus étroites, un peuple appelé à être notre allié, notre frère ; mais je veux, je dois calmer de vaines terreurs.

« Telles sont encore celles qu’inspire l’Autriche-Hongrie. Son chef aime la paix, veut la paix, a besoin de la paix. (Applaudissements.) Ses pertes immenses en hommes et en argent dans la dernière guerre, la modicité de ses revenus, le caractère inquiet et remuant des peuples qu’il commande, les mécontentements du Brabant que les prédications des Vonckistes, que les querelles des États avec le Conseil ne cessent d’allumer, la disposition des troupes qui ont pressenti la liberté, qui ont déjà donné des exemples funestes pour la discipline, encouragées par une condescendance inouïe dans les troupes autrichiennes, tout fait une loi à Léopold de recourir aux négociations et non aux armes.

« Les habitudes, les goûts et l’intérêt y porteront également l’héritier du grand Frédéric, qui ne peut en politique excuser sa coalition avec son ennemi, s’il veut être de bonne foi jusqu’au bout ; car la Révolution française ôte à l’Autriche une partie de son poids dans la balance germanique.

« Quant à cette princesse (Catherine de Russie), dont l’ambition ne connaît point de bornes, tout est uni contre elle : ses trésors épuisés, ses guerres ruineuses, les éléments, les distances. On a peine à subjuguer des esclaves à mille lieues ; on ne triomphe point d’hommes libres à cette distance. » (Applaudissements.)

Mais quoi ! et que veut donc Brissot ? Si malgré leurs manifestations contre-révolutionnaires les puissances ou désirent la paix, ou sont incapables de faire la guerre, si leur démonstration contre la liberté nouvelle de la France est une parade, elles y renonceront d’elles-mêmes quand elles verront que cette parade est vaine, que la France ne s’émeut pas. Il n’y a donc qu’une politique sensée : sauvegarder le sang-froid de la France et pratiquer la Constitution libre, sans souci de l’étranger. Par sa seule durée, la liberté révolutionnaire déjouera les manœuvres de l’étranger, et triomphera de tous ces simulacres d’hostilité.

Mais provoquer les puissances, leur tenir un langage menaçant, et s’exposer ainsi à convertir en résolutions réellement belliqueuses leurs parades grossières ou leurs velléités incertaines, c’est un crime contre la Révolution, livrée ainsi à tous les hasards. Ce crime s’aggrave quand, pour décider la France à ces démarches imprudentes, on exagère à plaisir la faiblesse et les embarras de l’étranger, dont les difficultés intérieures ne dépassaient certainement pas celles de la France elle-même. Et pourtant, après avoir égaré par ces sophismes une assemblée sans information et sans réflexion, Brissot la grise de paroles fanfaronnes :

« La France a le droit de dire aux gouvernements voisins : nous respectons votre pays, mais respectez le nôtre ; ne donnez plus d’asile aux mécontents, ne vous associez plus à leurs projets sanguinaires ; déclarez-nous que