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d’ensemble du peuple de Paris ? Ce mouvement, ce sont les sections qui le communiquent.

Dès la deuxième quinzaine de juillet, elles nomment des délégués qui se réunissent à l’Hôtel de Ville, qui s’appelle maintenant et depuis le mois de mars « la Maison commune ». Ces délégués des sections ne sont pas, comme le Comité central des fédérés, un simple organe d’action insurrectionnelle. Ils se considèrent comme les véritables interprètes du souverain, chargés d’arracher la France et la liberté au danger qui les menacent, et ils portent devant l’Assemblée législative des plans politiques, des sommations tous les jours plus hautaines. Ils créent et ils représentent une légalité nouvelle, révolutionnaire et hardie, qui s’oppose et se substituera à la légalité hypocrite, caduque et bigarrée, formée de la faiblesse législative et de la trahison royale. Dans les formules de Danton, adoptées par la section du Théâtre-Français, cette légalité nouvelle trouve son expression juridique.

Pour bien comprendre le grand mouvement populaire qui se développe en juillet et août 1792, pour en démêler les sources multiples et jaillissantes, il faudrait pouvoir suivre jour par jour, en ces dramatiques semaines, la vie fourmillante, passionnée des 48 sections de Paris ; il faudrait pouvoir noter toutes les motions révolutionnaires, tous les détails et les péripéties de la lutte engagée en beaucoup de sections entre l’élément modéré et l’élément révolutionnaire. Tantôt, suivant le hasard des citoyens actifs présents ou absents à l’assemblée de section, c’étaient des adresses foudroyantes qui étaient adoptées, tantôt, par un retour offensif, les modérés obtenaient un désaveu des adresses adoptées la veille. Ainsi, à la section de l’Arsenal, le grand chimiste Lavoisier, naguère fermier général, maintenant chargé du service des poudres et salpêtres, rédige la protestation contre une adresse républicaine que la section avait paru d’abord approuver. Mais à travers les chocs, les résistances, la force révolutionnaire se développait, et sauf dans certaines sections du centre où les influences modérées de la bourgeoisie riche dominaient, c’est contre la trahison royale, c’est pour la déchéance immédiate que les citoyens se prononçaient.

Le local de chaque section était, en chaque quartier, une sorte de forteresse du peuple et de la Révolution. Souvent ce local était vaste, il devait suffire, non pas aux assemblées générales des citoyens actifs qui se tenaient dans les églises, mais aux réunions quotidiennes des comités de section et au fonctionnement de la justice de paix, élue par les assemblées de section, et du Comité militaire. C’étaient, en ces jours troublés, comme des domiciles légaux de l’esprit de Révolution, et les adresses qui sortaient de là, même quand elles foudroyaient une Constitution bâtarde, avaient comme une force de légalité.

Je regrette de ne pouvoir donner en entier l’état dressé par le Domaine, au commencement de 1793 (sauf le changement de nom de quelques sections.