Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la ruine de la Constitution française ? Est-il vrai qu’on y ait arrêté cette déclaration devenue publique, par laquelle les princes s’engagent à maintenir le repos de l’Europe et à tourner leurs armes contre la France, si elle ne donne pas satisfaction aux princes allemands ? Est-il vrai que le roi de Prusse, comme Électeur de Brandebourg, ait fait la même déclaration à la Diète de Ratisbonne ? Est-il vrai que l’Impératrice de Russie ait écrit cette lettre à l’Empereur, dans laquelle elle déclare qu’elle se croit obligée, par bien des considérations et pour le repos de l’Europe, à regarder comme sa propre cause la cause du roi des Français ? Est-il vrai qu’elle ait actuellement donné des sommes d’argent considérables aux chefs des rebelles, qu’elle leur ait envoyé, pour se concerter avec eux, un personnage distingué dans ses États ?…

« Est-il vrai que tous les princes aient arrêté de tenir un congrès à Aix-la-Chapelle pour modifier notre Constitution et rétablir la noblesse ? Est-il vrai que cet évident projet de congrès doive s’exécuter, malgré la déclaration faite par le roi qu’il accepte la Constitution ? »

Mais, si tout cela est vrai, il y a une conjuration universelle des souverains de l’Europe contre la France de la Révolution, et la guerre va éclater. Nous savons, nous, que cela n’est point vrai ; que Brissot, dans ces interrogations menaçantes, supprime toutes les nuances, ne tient aucun compte des difficultés sans nombre qui paralysaient les puissances, des réserves qui neutralisaient leurs déclarations. Nous savons déjà, notamment, qu’à Pilnitz l’empereur d’Autriche et le roi de Prusse n’ont pris que des engagements incertains, subordonnés au concours des autres puissances qui, comme l’Angleterre, se dérobent. Mais enfin, si cela est vrai, il n’y a plus en effet à hésiter. Il faut révéler à la France toute l’étendue du péril et sonner dans tout le pays la guerre sainte pour la liberté.

Mais voici que soudain Brissot nous découvre qu’au fond les puissances veulent la paix, ou sont incapables de faire la guerre, et que tout cela n’est que fantasmagorie :

« Considérez, Messieurs, quelles puissances on veut vous faire redouter, et vous verrez si vous ne devez pas déployer toute votre énergie, soit à leur égard, soit à l’égard des rebelles qu’elles favorisent.

« Le peuple anglais aime notre Révolution, si son gouvernement la hait, et pour juger des forces de ce gouvernement, il faut ouvrir le registre des intérêts qu’il paye, entendre les volontaires de Dublin, parcourir les déserts de l’Écosse et suivre le lord Cornwallis à Seringapataam.

« C’est à Tippou, vainqueur ou vaincu, que nous devons la modération du gouvernement anglais ; il ne sera jamais à redouter tant qu’il aura à combattre ou à régir le vaste Hindoustan. Non que je veuille ici déprécier un peuple libre, avec lequel la nature des choses nous commande les liaisons