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Français ! pour nous, ah ! quel outrage !
Quels transports il doit exciter !
C’est nous qu’on ose méditer
De rendre à l’antique esclavage !

Quoi ! des cohortes étrangères
Feraient la loi dans nos foyers !
Quoi ! Ces phalanges mercenaires
Terrasseraient nos fiers guerriers !
Grand Dieu ! par des mains enchaînées
Nos fronts sous le joug se ploieraient !
De vils despotes deviendraient
Les maîtres de nos destinées !


Contre le vil despote du dedans aussi bien que contre les vils despotes au dehors ces paroles grondaient. C’était, dans la cité déjà ardente, comme un torrent de feu qui arrivait. Le Comité central des fédérés était établi dans une salle de correspondance aux Jacobins Saint-Honoré. Il était formé de quarante-trois membres qui, depuis le commencement de juillet s’assemblaient régulièrement tous les jours.

Les fédérés étaient des hommes d’action, ils comprirent vite que seul un mouvement insurrectionnel dénouerait la crise, et ils choisirent, parmi les quarante-trois délégués du Comité central, un directoire secret de cinq membres chargé de surveiller les événements et de préparer l’assaut.

« Ces cinq membres, dit Carra, étaient Vaugeois, grand-vicaire de l’évêque de Blois ; Debesse, du département de la Drôme ; Guillaume, professeur à Caen ; Simon, journaliste de Strasbourg, et Galissot, de Langres. Je fus adjoint à ces cinq membres à l’instant même de la formation du directoire, et quelques jours après on y invita Fournier l’Américain, Westermann, Rieulin (de Strasbourg), Santerre ; Alexandre, commandant du faubourg Saint-Marceau ; Lazowski, capitaine des canonniers de Saint-Marceau ; Antoine, de Metz, l’ex-constituant ; Lagrey et Carin, électeurs de 1789.

« La première séance de ce directoire se tint dans un petit cabaret, au Soleil d’Or, rue Saint-Antoine, près la Bastille, dans la nuit du jeudi au vendredi 26 juillet, après la fête civique donnée aux fédérés sur l’emplacement de la Bastille… »

L’arrivée du bataillon marseillais donna, pour ainsi dire, le signal des hostilités ; Santerre leur ayant offert un banquet civique aux Champs-Élysées, il y eut à la fin du banquet collision entre les fédérés et les gardes nationaux des Petits-Pères et des Filles-Saint-Thomas, dévoués à la royauté. C’était l’escarmouche qui annonçait la grande bataille prochaine. Le directoire insurrectionnel se réunit à nouveau en une seconde « séance active » le 4 août.

« Les mêmes personnes à peu près se trouvaient dans cette séance, et en outre Camille Desmoulins, elle se tint au Cadran Bleu, sur le boulevard ; et sur les huit heures du soir, elle se transporta dans la chambre d’Antoine