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tion. C’est une grande idée que retiendra la Révolution : les premières adresses des sections se bornaient à demander la déchéance, et sans doute la force révolutionnaire du peuple s’attachait d’abord exclusivement à cet objet, le plus pressant de tous.

C’est en partie sous l’influence de Robespierre que les sections de Paris ne tardent pas à compléter leur programme de déchéance du roi par la demande d’une Convention nationale. Il y a, dans cette conception de Robespierre, un grand sens révolutionnaire.

Robespierre espérait encore, par là, réduire au minimum l’ébranlement que la France allait subir. Il n’entend pas du tout renverser la royauté : il veut modifier, le moins possible, la Constitution ; et il dit expressément que les modifications nécessaires pourront être « attachées à la Constitution actuelle ». Il reste fidèle à l’idée essentielle qu’il a si souvent exprimée depuis la Constituante : une démocratie souveraine, mais exerçant sa souveraineté sous le couvert traditionnel d’un pouvoir royal rigoureusement limité et contrôlé.

Et non seulement il ne veut pas renverser la royauté, mais si on a lu attentivement son programme, on a vu qu’au fond il n’est pas décidé à renverser et à remplacer Louis XVI. Ce n’est pas lui qui règne, dit-il, mais, sous son nom, les factions qui se sont emparées des dépouilles de la royauté. Mais qu’est-ce à dire ? Et Louis XVI ne devient-il pas ainsi, en quelque mesure, irresponsable ? Si la nation, organisant enfin sa souveraineté, élimine les factions qui pillaient le pouvoir royal, quel inconvénient y aura-t-il à laisser à Louis XVI un pouvoir épuré et qui ne sera plus désormais que le patrimoine de la nation ? Je suis bien porté à croire que, pour Robespierre, l’idée d’une convention nationale était, en même temps qu’un moyen de salut révolutionnaire et qu’un coup à la Gironde, une diversion à l’idée de la déchéance.

Qui sait, celle-ci n’apparaissant plus que comme une mesure superficielle et secondaire, si le peuple ne consentirait pas à l’ajourner ? À quoi bon retarder la convocation de la Convention nationale pour procéder à l’examen long et difficile de la conduite du roi ? Qu’on procède tout de suite aux élections, et c’est l’Assemblée nouvelle, c’est la Convention souveraine qui examinera s’il y a convenance et s’il y a péril à laisser à Louis XVI le pouvoir exécutif limité et contrôlé par la Constitution nouvelle.

Ainsi, comme aux premiers jours de la Révolution et de la Constituante, la nation se retrouverait en face du roi, décidée encore, par sagesse et ménagement des habitudes, à concilier sa souveraineté avec le maintien de la monarchie traditionnelle et de la dynastie, mais avertie cette fois par une douloureuse expérience de trois années et bien résolue à donner à la souveraineté nationale des garanties décisives.

La pensée de Robespierre était grande, puisqu’elle tendait, en une crise