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je puis dire, la conscience nationale. Elle ne relève que d’elle-même : c’est elle qui se gouverne dans son unité. Il n’y aura péril qu’à la minute même où la conscience commune de la patrie l’aura reconnu et proclamé. Ainsi, chaque conscience individuelle, jusque dans les forces élémentaires de l’instinct de conservation, est enveloppée par la conscience nationale. Et la puissance de l’ordre ajoute encore à la puissance de l’exaltation : car lorsqu’elle vibre au signal donné par la liberté en péril, toute âme sait qu’elle est à l’unisson de la patrie ; c’est la patrie elle-même, c’est la commune liberté qui vibre et frémit en elle.

Ce n’est point d’abord par réquisitions que procède la Révolution menacée, elle fait appel au libre dévouement des citoyens. Ce sont des volontaires qui auront l’honneur de marcher les premiers : et c’est volontairement que les citoyens qui ont des armes les donneront pour le temps du danger. Les uniformes manquent-ils ? Il n’importe : les soldats de la Révolution n’ont pas besoin d’uniforme pour aller au péril. C’est comme citoyens qu’ils combattent ; c’est leur liberté civile qu’ils défendent ; pourquoi ne porteraient-ils pas devant l’ennemi leur vêtement civil ? Et partout, ce sont les autorités civiles, ce sont les citoyens élus qui, au district, au département, veillent à la formation, à l’équipement, à l’armement, au payement des compagnies révolutionnaires.

Quelle commotion de liberté et d’héroïsme donnée à tous les cœurs ! Quelques jours après, le 11 juillet, sur un rapport fait par Hérault de Séchelles, au nom de la Commission extraordinaire des Douze, l’Assemblée déclarait que la patrie était en danger. Les hommes prudents ou timides, les modérés, disaient : À quoi bon ? Ajoutez-vous ainsi à la force militaire réelle de la France ? N’allez-vous pas, en surexcitant les alarmes, dissoudre la nation en d’innombrables petits groupes qui songeront chacun à leur salut immédiat ? Hérault de Séchelles répondait en montrant les armées ennemies en marche vers nos frontières. Il disait que du Corps législatif devait partir « une étincelle électrique », qui communiquerait à l’ensemble une énergie soudaine. Et il signalait le caractère exceptionnel, unique, de la lutte entreprise. C’était la première fois dans l’histoire du monde, que tout un peuple luttait pour sa liberté. Et c’était aussi la dernière fois : car de cette lutte sortirait la liberté de tous les peuples ; et ce serait alors l’universelle et éternelle paix.

« Enfin, Messieurs, il faut se pénétrer d’une réflexion décisive. C’est que la guerre que nous avons entreprise ne ressemble en rien à ces guerres communes qui ont tant de fois désolé et déchiré le globe : c’est la guerre de la liberté, de l’égalité, de la Constitution, contre une coalition de puissances d’autant plus acharnées à modifier la Constitution française qu’elles redoutent chez elles l’établissement de notre philosophie et les lumières de nos principes. Cette guerre est donc la dernière de toutes entre elles et nous… La