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dans les intérêts bien entendus du roi, si à l’aide de quelques réflexions d’une évidence frappante, je déchire le bandeau que l’intrigue et l’adulation ont mis sur ses yeux et si je lui montre le terme où ses perfides amis s’efforcent de le conduire. »

Vergniaud espérait-il encore que son avertissement terrible ramènerait le roi à la Révolution ? Peut-être ; il lui en coûtait assurément de penser qu’une nouvelle crise révolutionnaire, pleine d’inconnu, allait s’ouvrir : qui sait si, après la fausse tactique des ménagements, on n’agira pas sur le roi par les grands effets de vérité et de terreur ?

« C’est au nom du roi, s’écrie -t-il, que les princes français ont tenté de soulever contre la nation toutes les cours de l’Europe ; c’est pour venger la dignité du roi que s’est conclu le traité de Pilnilz et formée l’alliance monstrueuse entre les cours de Vienne et de Berlin ; c’est pour défendre le roi qu’on a vu accourir en Allemagne, sous les drapeaux de la rébellion, les anciennes compagnies des gardes du corps ; c’est pour venir au secours du roi que les émigrés sollicitent et obtiennent de l’emploi dans les armées autrichiennes et s’apprêtent à déchirer le sein de la patrie ; c’est pour joindre ces preux chevaliers de la prérogative royale que d’autres preux pleins d’honneur et de délicatesse abandonnent leur poste en présence de l’ennemi, trahissent leurs serments, volent les caisses, travaillent à corrompre leurs soldats, et placent ainsi leur gloire dans la lâcheté, le parjure, la subornation, le vol et les assassinats. (Applaudissements des tribunes.) C’est contre la nation et l’Assemblée nationale seule, et pour le maintien de la splendeur du trône que le roi de Bohême et de Hongrie nous fait la guerre, et que le roi de Prusse marche sur nos frontières ; c’est au nom du roi que la liberté est attaquée et que si l’on parvenait à la renverser, on démembrerait bientôt l’Empire pour indemniser de leurs frais les puissances coalisées ; car on connaît la générosité des rois, on sait avec quel désintéressement ils envoient leurs armées pour désoler une guerre étrangère, et jusqu’à quel point on peut croire qu’ils épuiseraient leurs trésors pour soutenir une guerre qui ne devrait pas leur être profitable. Enfin, tous les maux qu’on s’efforce d’accumuler sur nos têtes, tous ceux que nous avons à redouter, c’est le nom seul du roi qui en est le prétexte et la cause.

« Or, je lis dans la Constitution, chapitre 11, section 1re, article 6 : « Si le roi se met à la tête d’une armée et en dirige les forces contre la nation, ou s’il ne s’oppose pas par un acte formel à une telle entreprise qui s’exécuterait en son nom, il sera censé avoir abdiqué la royauté.

« Maintenant je vous demande ce qu’il faut entendre par un acte formel d’opposition ; la raison me dit que c’est l’acte d’une résistance proportionnée autant qu’il est possible au danger, et faite dans un temps utile pour pouvoir l’éviter.

« Par exemple si, dans la guerre actuelle, 100,000 Autrichiens dirigeaient