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où il lui suggérait des mesures de répression et lui en laissait la responsabilité :

« Monsieur le Président, l’Assemblée nationale a déjà connaissance des événements de la journée d’hier, Paris est dans la consternation ; la France les apprendra avec un étonnement mêlé de douleur. J’ai été très sensible au zèle que l’Assemblée m’a témoigné dans cette circonstance. Je laisse à sa prudence de rechercher les causes de cet événement, le soin d’en peser les circonstances, et de prendre les mesures nécessaires pour maintenir la Constitution, assurer l’inviolabilité et la liberté constitutionnelle du représentant héréditaire de la nation. Pour moi, rien ne peut m’empêcher de faire, en tout temps et dans toutes les circonstances, ce qu’exigeront les devoirs que m’imposent la Constitution que j’ai acceptée et les vrais intérêts de la nation française.

« Signé : Louis. Contresigné : Duranthon. »

Presque toute l’Assemblée éclatait en applaudissements. Il semblait qu’une réaction se produisait ; les hésitants qu’avait un moment entraînés la Gironde se rejetaient vers le centre. Voilà où conduisent les agitations des clubs ! Voilà où aboutissent les perpétuelles dénonciations et déclamations contre le roi ! À l’anarchie, peut-être au meurtre ! Et que deviendra la France si des factieux renversent la Constitution, souillent du sang du roi la liberté ? Ainsi allaient les modérés, semant la peur.

Couthon avait voulu poser le 21 juin, devant l’Assemblée, la question décisive : celle du veto :

« Il est temps, il est pressant que l’Assemblée aborde avec fermeté et qu’elle décide promptement si les décrets de circonstance sont sujets ou non à la sanction. »

Il y eut une tempête : « Voilà l’explication de la journée d’hier ! Vous violez votre serment ! » Toute l’Assemblée, à l’exception de l’extrême-gauche, décida qu’il n’y avait pas lieu à délibérer sur la motion. Le ministre de la justice annonça qu’une enquête allait être ouverte sur les violences du 20 juin, et il sembla qu’on allait assister à une revanche de la royauté et des Feuillants sur la Gironde, la démocratie et la Révolution elle-même. Des régions les plus diverses de la France les protestations arrivent contre « les factieux ». Une grande partie de la bourgeoisie révolutionnaire s’émeut et s’effraie. Ce qui me frappe, c’est que ce ne sont pas seulement les directoires des départements où dominait souvent l’esprit modéré, ce sont aussi les municipalités qui s’indignent. Tuetey relève un grand nombre de ces protestations véhémentes, et je ne puis qu’y renvoyer.

Déjà la défiance de la bourgeoisie provinciale à l’égard de Paris commence à s’y marquer. Voici, par exemple, les citoyens du Havre qui, dans leur adresse « crient vengeance contre les scélérats qui ont violé l’asile du repré-