Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/461

Cette page a été validée par deux contributeurs.

créer, vers la capitale et vers les frontières. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Le peuple veut absolument finir une Révolution qui est son œuvre et sa gloire, qui est l’honneur de l’esprit humain. Il veut se sauver et vous sauver. Devez-vous empêcher ce mouvement sublime ? Le pouvez-vous ? Législateurs, vous ne refuserez pas l’autorisation de la loi à ceux qui veulent aller mourir pour la défendre. » (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.) "

C’était comme une déclaration de guerre indivisible au roi et à l’étranger. Les modérés en furent épouvantés : ils s’écrièrent que cette adresse était attentatoire à la Constitution, mais la gauche protesta ; c’est contre les ennemis de la France que voulaient marcher les patriotes de Marseille : allait-on décourager l’élan national ? Cambon ne disait pas qu’ils voulaient aller aux frontières, et « dans la capitale ».

Le peuple sentait d’instinct la trahison du roi : c’est donc à travers le roi qu’il fallait frapper l’étranger. L’Assemblée, troublée par cet habile et ardent mélange de patriotisme et de révolution, n’osa pas désavouer l’adresse des Marseillais : elle en vota même l’impression et l’envoi aux départements ; c’était jeter à tous les vents des étincelles de république. L’Assemblée était emportée ainsi bien au delà de sa propre pensée ; et quand, un peu plus tard, dans la même soirée du 19, le directoire de Paris lui adressa copie d’un arrêté par lequel il mettait en demeure le maire et le commandant de la garde nationale d’assurer l’ordre le lendemain, que pouvait-elle faire ? Elle passa à l’ordre du jour, comme pour laisser aux autorités administratives et municipales toute la responsabilité.

Cependant, dans la nuit du 20 Juin, les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel étaient en rumeur comme un camp éveillé la veille d’un assaut. Les sections des Gobelins, de Popincourt, des Quinze-Vingts étaient en permanence. Cependant, ce n’est qu’assez avant dans la matinée que les deux faubourgs s’ébranlèrent.

Pendant toute la matinée il y avait eu entre Pétion et les commandants des bataillons révolutionnaires des pourparlers. Finalement, Pétion, ne pouvant pas et ne voulant pas arrêter le mouvement, qu’il déclarait irrésistible, s’avisa de le « légaliser ». On lui promit que les pétitionnaires déposeraient leurs armes avant d’entrer dans l’Assemblée et aux Tuileries ; et, en revanche, il autorisa tous les citoyens qui voulaient prendre part à la manifestation à marcher sous le commandement des officiers de la garde nationale. Ainsi le peuple révolutionnaire serait comme encadré par l’ordre légal. Touchante transaction des jours de combat !

L’Assemblée fut avertie à l’ouverture de la séance que deux colonnes armées parties l’une de la Salpêtrière, l’autre de la Bastille étaient en marche, qu’elles s’étaient rejointes, et que grossies d’une grande foule, elles approchaient. Les Girondins, Guadet, Vergniaud insistèrent pour que les pétition-