salle, tant était âpre, dans cette assemblée bourgeoise, le souci de défendre, même sous la forme féodale, la propriété !
Mais la gauche ne se laissa pas déconcerter par cette retraite qui allait lui donner la majorité : elle resta en séance. En vain, quelques modérés qui étaient restés à leur place, crièrent-ils : « Ils vont extorquer le décret. » En vain, Hua proteste-t-il contre la mise aux voix : « L’Assemblée vient de décréter, par appel nominal, qu’il y avait lieu à délibérer sur l’amendement de M. Dumolard. J’observe une chose visible à tous les yeux : c’est que la plupart des opinants à l’appel nominal… (Bruit prolongé à gauche), lorsqu’il s’agit de voter au fond, il est présumable que ceux qui ont voté pour qu’il y eût lieu à délibérer auraient voté pour l’admission de l’amendement. Comment se fait-il que maintenant qu’ils sont partis, on veuille obtenir ce décret ? Je dis que dans ce cas, il y aurait une contradiction monstrueuse dans le premier vote et dans la délibération de l’Assemblée. Je demande que la délibération soit continuée demain à 9 heures, à la séance du matin. »
Delacroix répondit avec violence : « Je m’oppose à cette proposition. L’Assemblée a fait une loi contre les fonctionnaires publics qui quittent leurs postes. On réclame ici en faveur des rebelles au décret, qui se sont retirés pour ne pas faire leur devoir. (Applaudissements dans les tribunes.) L’Assemblée n’a pas voulu lever la séance ; il suffit de 200 membres pour délibérer et nous sommes plus de 200. »
L’Assemblée vota, en effet, et elle adopta le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que tous les droits féodaux qui ne seront pas justifiés être le prix de la concession des fonds par titre primitif, sont supprimés sans indemnité. »
Au moment où fut émis ce vote, le procès-verbal constate que « l’extrémité gauche est remplie et que le reste de la salle est presque vide ». Chose curieuse : la nuit du 4 août, et quoique l’ordre de la noblesse fût représenté à la Constituante, il y eut unanimité pour proclamer en principe l’abolition du régime féodal. Et dans l’Assemblée législative, exclusivement bourgeoise, il y a à peine une majorité pour abolir, en effet, une partie des droits féodaux. C’est que, dans la nuit du 4 août, il s’agissait d’une déclaration de principe et que, le 14 juin 1792, il s’agit de porter un coup sensible à des intérêts réels.
Ce sont les discussions de cet ordre, ce sont les cris d’effroi poussés par une partie de la bourgeoisie modérée qui commencèrent à propager l’idée que la Révolution pourrait bien un jour proposer une loi agraire, le partage égal des terres entre tous les citoyens. Les ennemis de la Révolution tentèrent d’effrayer par là tous les propriétaires, et il est probable que les débats sur la propriété féodale leur fournissaient des arguments. Le 14 juin, Chéron-Labruyère, après le vote du décret qui abolissait sans indemnité les droits féodaux casuels, demanda la parole pour un article additionnel et il dit : « On ne