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des esprits, les mécontentements peuvent mener à tout. Il n’est plus temps de reculer, il n’y a même plus moyen de temporiser. La Révolution est faite dans les esprits : elle s’achèvera au prix du sang et sera cimentée par lui, si la sagesse ne prévient pas les malheurs qu’il est encore possible d’éviter.

« Je sais qu’on peut imaginer tout opérer et tout contenir par des mesures extrêmes ; mais, quand on aurait déployé la force pour contraindre l’Assemblée, quand on aurait répandu l’effroi dans Paris, la division et la stupeur dans ses environs, toute la France se lèverait avec indignation, et se déchirant elle-même dans les horreurs d’une guerre civile, développerait cette sombre énergie, mère des vertus et des crimes, toujours funeste à ceux qui l’ont provoquée.

« Le salut de l’État et le bonheur de Votre Majesté sont intimement liés ; aucune puissance n’est capable de les séparer ; de cruelles angoisses et des malheurs certains environnent votre trône, s’il n’est appuyé par vous-même sur les bases de la Constitution, et affermi dans la paix que son maintien doit en effet nous procurer…

« La conduite des prêtres en beaucoup d’endroits, les prétextes que fournissait le fanatisme aux mécontents, ont fait porter une loi sage contre ces perturbateurs ; que Votre Majesté lui donne sa sanction : la tranquillité publique la réclame, et le salut des prêtres la sollicite. Si cette loi n’est pas mise en vigueur, les départements seront forcés de lui substituer, comme ils font de toutes parts, des mesures violentes ; et le peuple irrité y suppléera par des excès.

« Les tentatives de nos ennemis, les agitations qui se sont manifestées dans la capitale, l’extrême inquiétude qu’avait excitée la conduite de votre garde et qu’entretiennent encore les témoignages de satisfaction qu’on lui a fait donner par Votre Majesté, par une proclamation vraiment impolitique dans les circonstances ; la situation de Paris et sa proximité des frontières, ont fait sentir la nécessité d’un camp dans son voisinage. Cette mesure, dont la sagesse et l’urgence ont frappé tous les bons esprits, n’attend encore que la sanction de Votre Majesté. Pourquoi faut-il que des retards lui donnent l’air du regret, lorsque la célérité lui mériterait de la reconnaissance ?

« Déjà les tentatives de l’état-major de la garde nationale parisienne contre cette mesure ont fait soupçonner qu’il agissait par une inspiration supérieure ; déjà les déclamations de quelques démagogistes outrés réveillent les soupçons de leurs rapports avec les intéressés au renversement de la Constitution ; déjà l’opinion publique compromet les intentions de Votre Majesté ; encore quelque délai et le peuple attristé croit apercevoir dans son roi l’ami et le complice des conspirateurs. Juste ciel ! Auriez-vous frappé d’aveuglement les puissances de la terre ? et n’auront-elles jamais que des conseils qui les entraîneront à leur ruine ?

« Je sais que le langage austère de la vérité est rarement accueilli près