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les orages ; elle ne hait pas ses défenseurs qu’elle secondera toujours dans les jours de péril, mais elle condamne souvent leur énergie, qu’elle croit habituellement ou déplacée ou dangereuse ; c’est à cette classe de citoyens que je respecte, lors même qu’elle prête une oreille trop facile aux insinuations perfides de ceux qui cachent sous le masque de la modération l’atrocité de leurs desseins ; c’est, dis-je, à ces citoyens, que je dois comme magistrat du peuple me faire bien connaître par une profession de foi solennelle sur mes principes politiques.

« La nature m’a donné en partage les formes athlétiques et la physionomie âpre de la liberté. Exempt du malheur d’être né d’une de ces races privilégiées, suivant nos vieilles institutions, et par cela même presque toujours abâtardies, j’ai conservé, en créant seul mon existence civile, toute ma vigueur native, sans cependant cesser un seul instant, soit dans ma vie privée, soit dans la profession que j’avais embrassée, de prouver que je savais allier le sang-froid de la raison à la chaleur de l’âme et à la fermeté du caractère.

« Si dès les premiers jours de notre régénération j’ai éprouvé tous les bouillonnements du patriotisme, si j’ai consenti à paraître exagéré pour n’être jamais faible, si je me suis attiré une première proscription pour avoir dit hautement ce qu’étaient les hommes qui voulaient faire le procès à la Révolution, pour avoir défendu ceux qu’on appelait les énergumènes de la liberté, c’est que je vis ce qu’on pouvait attendre des traîtres qui protégeaient ouvertement les serpents de l’aristocratie.

« Si j’ai été toujours honorablement attaché à la cause du peuple, si je n’ai pas partagé l’opinion d’une foule de citoyens, bien intentionnés sans doute, sur des hommes dont la vie politique me semblait d’une versatilité bien dangereuse ; si j’ai interpellé face à face, et aussi publiquement que loyalement, quelques-uns de ces hommes qui se croyaient les pivots sur lesquels tournait la Révolution ; si j’ai voulu qu’ils s’expliquassent sur ce que mes relations avec eux m’avaient fait découvrir de fallacieux dans leurs projets, c’est que j’ai toujours été convaincu qu’il importait au peuple de lui faire connaître ce qu’il devait craindre de personnages assez habiles pour se tenir perpétuellement en situation de passer, suivant le cours des événements, dans le parti qui offrait à leur ambition les plus hautes destinées ; c’est que j’ai cru encore qu’il était digne de moi de m’expliquer en présence de ces mêmes hommes, de leur dire ma pensée tout entière, lors même que je prévoyais bien qu’ils se dédommageaient de leur silence en me faisant peindre par leurs créatures avec les plus noires couleurs, et en me préparant de nouvelles persécutions.

« Si, fort de ma cause, qui était celle de la nation, j’ai préféré les dangers d’une seconde proscription judiciaire, fondée non pas même sur ma participation chimérique à une pétition trop tragiquement célèbre, mais sur je ne