Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/424

Cette page a été validée par deux contributeurs.

célèbre dans l’histoire de la Révolution (Mirabeau), disait : Qu’il savait bien qu’il n’y avait pas loin du Capitole à la Roche Tarpéienne ; et moi, vers la même époque à peu près, lorsqu’une sorte de plébiscite m’écarta de l’enceinte de cette Assemblée où m’appelait une section de la Capitale, je répondais à ceux qui attribuaient à l’affaiblissement de l’énergie des citoyens ce qui n’était que l’effet d’une erreur éphémère, qu’il n’y avait pas loin pour un homme pur, de l’ostracisme suggéré aux premières fonctions de la chose publique.

« L’événement justifie aujourd’hui ma pensée ; l’opinion, non ce vain bruit qu’une faction de quelques mois ne fait régner qu’autant qu’elle-même, l’opinion indestructible, celle qui se fonde sur des faits qu’on ne peut longtemps obscurcir, cette opinion qui n’accorde point d’amnistie aux traîtres, et dont le tribunal suprême casse les jugements des rois et les décrets des juges vendus à la tyrannie, cette opinion me rappelle du fond de ma retraite où j’allais cultiver cette métairie qui, quoique obscure et acquise avec le remboursement notoire d’une charge qui n’existe plus, n’en a pas moins été érigée par nos détracteurs en domaines immenses payés par je ne sais quels agents de l’Angleterre et de la Prusse.

« Je dois prendre place au milieu de vous, Messieurs, puisque tel est le vœu des amis de la liberté et de la Constitution, et je le dois d’autant plus que ce n’est pas dans le moment où la patrie est menacée de toutes parts, qu’il est permis de refuser un poste qui peut avoir ses dangers, comme celui d’une sentinelle avancée.

« Je serais entré silencieusement dans la carrière qui m’est ouverte, après avoir dédaigné pendant tout le cours de la Révolution de repousser aucune des calomnies sans nombre dont j’ai été assiégé, je ne me permettrais pas de parler un seul instant de moi, j’attendrais ma juste réputation de mes actions et du temps, si les fonctions déléguées auxquelles je vais me livrer ne changeaient pas entièrement ma position. Comme individu, je méprise les traits qu’on me lance : ils ne me paraissent qu’un vain sifflement ; devenu l’homme du peuple, je dois, sinon répondre à tout, parce qu’il est des choses dont il serait absurde de s’occuper, mais au moins lutter corps à corps avec quiconque semble m’attaquer avec une sorte de bonne foi.

« Paris, ainsi que la France entière, se compose de trois classes : l’une, ennemie de toute liberté, de toute égalité, de toute constitution, est digne de tous les maux dont elle a accablé et dont elle voudrait encore accabler la nation ; celle-là, je ne veux point lui parler, je ne veux que la combattre à outrance jusqu’à la mort ; la seconde est l’élite des amis ardents, des coopérateurs, des plus fermes soutiens de notre sainte Révolution, c’est celle qui a constamment voulu que je sois ici, je ne dois non plus lui rien dire, elle m’a jugé, jamais je ne la tromperai dans son attente ; la troisième, aussi nombreuse que bien intentionnée, veut également la liberté, mais elle en craint