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nier ; Laval, bijoutier ; Guillaumont, sculpteur ; Matelas, serrurier ; Lexcellent, garçon boulanger ; Lochon, manouvrier ; Dupuis, carreleur ; Marlain, garçon marchand de chevaux ; Dupuis, relieur ; Denoit, relieur ; Morel, garçon maçon ; Marceau, garçon teinturier ; Rouget, compagnon orfèvre ; Gagneux, garçon maçon ; Rose, marchand quincaillier ; Levasseur, compagnon menuisier ; Doucrier, terrassier ; Rousseau, opticien ; Blondel, marchand forain ; Josse, compagnon de rivière ; Kilcher, graveur ; Chauliac, porteur d’eau ; Rethoré, garçon marchand de vin ; Guerlé, 16 ans, garçon pâtissier ; Maillard, garçon limonadier ; Mauchien, garçon perruquier ; Auger, ingénieur feudiste ».

Je n’ai cité que quelques noms, au hasard du coup d’œil tombant sur les pages. Comme on voit, le cahier « de ceux qui ne font pas partie de la garde nationale », et qui ne peuvent s’enrôler dans les mêmes compagnies et bataillons que les gardes nationaux, n’est pas exclusivement formé de « citoyens passifs ».

C’est un mélange de prolétaires, de « garçons ou compagnons », qui, eux, étaient des citoyens passifs, et de modestes artisans qui n’avaient pu s’imposer ni les charges pécuniaires ni les pertes de temps qu’entraînait le service dans la garde nationale. Mais l’heure du péril les suscitait. Ainsi, en cette levée de la fin de 1791, les classes étaient assez mêlées, et bien souvent du registre où est inscrit l’enrôlé bourgeois au cahier où est inscrit « celui qui n’est pas de la garde nationale », les conditions sociales sont identiques. Aussi bien du « cordonnier » ou du « perruquier » ou du « menuisier », c’est-à-dire du patron cordonnier, perruquier, menuisier, qui s’inscrivait au registre, au garçon cordonnier, perruquier, menuisier, qui s’inscrivait au cahier, il n’y avait probablement pas conflit de sentiments, mais, au contraire, émulation révolutionnaire.

Les garçons devaient regarder avec respect le patron, le chef artisan, qui quittait son atelier, ses affaires, sa famille, pour aller manier la baïonnette et le fusil contre les émigrés et les rois, et les patrons devaient avoir quelque complaisance pour cette jeunesse hardie qui, d’instinct, allait à la gloire, à la liberté et au péril.

Mais les prolétaires, les garçons, les compagnons n’étaient pas fâchés sans doute de dire aux bourgeois : « Sommes-nous passifs maintenant, et que signifient vos privilèges dans la communauté du courage et du danger ? » Ou, s’ils ne le disaient pas, leurs regards le disaient, et dans ces cœurs vastes, à l’ardent patriotisme révolutionnaire une fierté prolétarienne se mêlait.

Or, pendant toute l’année 1792, les noms de tous ces volontaires, de tous ces prolétaires, de tous ces « garçons, » de tous ces « compagnons » restaient inscrits sur les listes à la disposition de la liberté et de la patrie, et ainsi dans le prolétariat se continuait, se prolongeait l’orgueil du sacrifice ; il sentait en lui, malgré les restrictions légales, toute la grandeur de la patrie et