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deux soldes ; le sous-lieutenant, trois soldes ; le lieutenant, quatre soldes ; le capitaine, cinq soldes ; le lieutenant-colonel, six soldes et le colonel sept soldes.

« Art. 10. — Lorsque la situation de l’État n’exigera plus le service extraordinaire de ces compagnies, les citoyens qui la composent cesseront d’être payés, et rentreront dans les compagnies de gardes nationales, sans conserver aucunes distinctions. »

C’est, comme on voit, dans les limites de la Constitution bourgeoise, qui n’ouvrait la garde nationale qu’aux citoyens actifs, le principe démocratique de l’élection. C’est aussi la méfiance révolutionnaire à l’égard de toute force militaire distincte. C’est seulement pour faire face à un danger temporaire que les volontaires sont ainsi organisés. Aussitôt le danger passé, ils doivent se dissoudre et se perdre à nouveau dans les bataillons d’où ils furent un moment extraits, et ils n’y rapporteront ni grade, ni distinction, ni mention spéciale qui leur permette de s’isoler et qui perpétue le souvenir de leur action belliqueuse.

Mais c’est rigoureusement parmi les gardes nationaux, c’est-à-dire parmi les citoyens qui étaient assez aisés pour être des citoyens actifs et pour s’acheter eux-mêmes tout leur uniforme et équipement, que la Révolution voulait recruter ses défenseurs. Elle voulait des soldats bien à elle, défenseurs naturels de la propriété comme de la liberté. La Constituante, de même qu’elle n’avait appelé que les gardes nationales pour représenter la France au Champ de Mars dans la grande fête de la Fédération, n’appelle que les gardes nationales pour défendre la France dans le grand drame de la guerre. Un appel direct aux prolétaires, aux citoyens passifs eût été une dérogation au principe de la Révolution, et la Constituante, au moment de la fuite du roi, était trop préoccupée de maintenir l’ordre bourgeois, de réserver à ce que Barnave appelait « l’élite propriétaire et pensante » la direction du mouvement, pour recruter en dehors des cadres légaux de la bourgeoisie l’armée chargée de la défendre. Exclure les prolétaires de la cité politique et les appeler à la sauver, les proclamer passifs et les convier à la forme la plus sublime de l’action, c’eût été une contradiction redoutable, car comment refouler ensuite dans leur passivité électorale ceux auxquels le sacrifice consenti pour la patrie et la Révolution aurait donné le plus beau des titres ? D’ailleurs il eût été coûteux d’ouvrir aux prolétaires les registres d’enrôlement, car la plupart d’entre eux n’étant ni armés ni en état d’acheter des armes auraient dû les recevoir du trésor public. C’est pour toutes ces raisons que la bourgeoisie révolutionnaire ne fit appel qu’aux gardes nationaux, c’est-à-dire à elle-même.

À la voix de la liberté menacée, à l’appel de la patrie en péril, le bourgeois répondit avec un empressement admirable. Il suffit de parcourir la liste nominative des premiers volontaires de Paris publiée par MM. Chassin et Hennet dans le premier volume de leur ouvrage : Les volontaires nationaux