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économiques nécessaires aux habitants des campagnes. On enseignera les mêmes objets dans les écoles primaires des bourgs et des villes ; mais on insistera moins sur les connaissances relatives à l’agriculture, et davantage sur les connaissances relatives aux arts et au commerce ».

D’emblée, comme on voit, ce programme a beaucoup plus d’ampleur que celui de Talleyrand. Mais Condorcet ne s’arrête pas là, au moins pour le peuple des villes. Il ne croit pas possible dans les écoles des campagnes d’aller au delà, d’abord, sans doute à cause de la dépense, peut-être aussi parce que loin des villes, loin des foyers les plus ardents de lumière scientifique et de vie moderne, il lui paraît malaisé que la curiosité spontanée des enfants et le bon vouloir des familles aillent beaucoup au delà de ce premier effort.

Mais pour le peuple des ouvriers, des artisans, des petits commerçants, Condorcet espère et demande mieux ; et il prévoit, dans les villes, la formation d’écoles secondaires qui semblent destinées tout à la fois à la petite bourgeoisie artisane ou marchande et à la classe ouvrière, ou tout au moins à l’ardente élite de celle-ci.

« Des écoles secondaires établies dans les villes formeront le second degré. On y enseignera ce qui est nécessaire pour exercer les emplois de la société, et remplir les fonctions publiques qui n’exigent ni une grande étendue de connaissances ni un genre d’études particulier. » Et plus précisément, on enseignera dans les écoles secondaires :

« 1o Les notions grammaticales nécessaires pour parler et écrire correctement ; l’histoire et la géographie de la France et des pays voisins ;

« 2o Les principes des arts mécaniques, les éléments pratiques du commerce, le dessin ;

« 3o On y donnera des développements sur les points les plus importants de la vie morale et de la science sociale, avec l’explication des principales lois, et les règles des conventions et des contrats ;

« 4o On y donnera des leçons élémentaires de mathématiques, de physique et d’histoire naturelle, relatives aux arts, à l’agriculture et au commerce.

« Dans les écoles secondaires où il y aura plus d’un instituteur, on pourra enseigner une des langues étrangères la plus utile, suivant les localités.

« L’enseignement sera divisé en trois divisions que les élèves parcourront successivement. »

Comme on voit, ces écoles prenant les enfants à dix ans au sortir de l’école « primaire » les retiendraient jusqu’à treize ans, et le programme de l’enseignement donné à cette élite populaire semble répondre à la fois aux cours les plus élevés de nos écoles primaires actuelles, et à quelques parties des cours de nos écoles primaires supérieures et de nos écoles commerciales et professionnelles du premier degré. C’est à toute l’intelligence ouvrière et artisane que Condorcet veut ouvrir une issue, et donner un supplément de