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corporation ou État, ne comprendra pas ainsi l’enseignement, quiconque ne mettra pas au-dessus de ses affirmations l’esprit lui-même, trahira la vérité et attentera aux intelligences.

LA CARMAGNOLE
(La Carmagnole commence à jouer un rôle aux environs du 10 août).
(D’après un document du Musée Carnavalet.)


Mais si l’inspiration générale de Condorcet est admirable, si nous devons tous et toujours faire notre règle de ce souci exclusif de la vérité, il n’est pas certain que Condorcet ait trouvé avec une sûreté égale l’organisation qui, en effet, assure le mieux la liberté et le progrès de l’esprit. Ceux qui tentent d’abuser de ses paroles pour réclamer en faveur de l’Église la liberté d’enseigner vont exactement à contre-sens de sa pensée. Théoriquement, l’Église qui immobilise les esprits sous ses dogmes, est la négation vivante de cet esprit de liberté que Condorcet veut faire prévaloir. Et en fait, je répète que du temps de Condorcet la question ne se posait même pas. Les polémistes catholiques qui essaient de mettre la loi Falloux sous la protection de Condorcet commettent à la fois une bévue philosophique et une fraude historique. Mais Condorcet voit-il juste lorsqu’il redoute autant la tyrannie des gouvernements que celle de l’Église ? Sans doute, l’exemple de tous les gouvernements, depuis un siècle, de Napoléon, de la Restauration, de Louis-Philippe, de la République bourgeoise, démontre que dans l’enseignement national la pensée se heurte souvent à des consignes et l’esprit à des barrières. Aussi, le vrai problème est de donner à la démocratie un besoin croissant de liberté ; c’est de lui faire comprendre que, dans son intérêt même, aussi bien que pour la croissance humaine, toutes les idées, toutes les doctrines doivent pouvoir se produire dans l’enseignement d’État, à une seule condition, c’est qu’elles ne se réclament que de la raison et qu’elles n’agissent que sur la raison. Mais Condorcet, au lieu de poser, si je puis dire, le problème de la liberté à l’inté-