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sances les plus indispensables, mais on vous assure des moyens faciles de les conserver et de les étendre. Si la nature vous a donné des talents, vous pouvez les développer, et ils ne seront perdus ni pour vous ni pour la patrie.

« Ainsi, l’instruction doit être universelle, c’est-à-dire s’étendre à tous les citoyens. Elle doit être répartie avec toute l’égalité que permettent les limites nécessaires de la dépense, la distribution des hommes sur le territoire et le temps plus ou moins long que les enfants peuvent y consacrer. Elle doit, dans ses divers degrés, embrasser le système entier des connaissances humaines, et assurer aux hommes dans tous les âges de la vie, la facilité de conserver leurs connaissances et d’en acquérir de nouvelles.

« Enfin aucun pouvoir public ne doit avoir ni l’autorité ni même le crédit d’empêcher le développement des vérités nouvelles, l’enseignement des théories contraires à sa politique particulière ou à ses intérêts momentanés. »

Visiblement, la question qui trouble le plus Condorcet est celle-ci : Quel sera le régulateur de l’enseignement national ? D’une part, il faut bien que la Nation intervienne, c’est elle qui construit les écoles et qui paie les maîtres, c’est elle qui a envers tous les citoyens un devoir d’enseignement et d’éducation, et elle ne peut se désintéresser pleinement de l’enseignement qui est donné en son nom. Mais d’autre part, si les pouvoirs politiques, organes momentanés de la volonté nationale, croient avoir intérêt à opprimer une vérité, faudra-t-il donc que celle-ci leur soit livrée sans défense ? Rien qu’à poser les termes du problème, il apparaît bien qu’il ne peut recevoir une solution absolue. Si compliqué qu’on imagine le système de garanties destiné à assurer la liberté individuelle du maître, la liberté infinie de la science en mouvement, sans rompre le lien de l’enseignement national et de la nation elle-même, il sera toujours en défaut par quelque endroit ; et à vrai dire, ce sont surtout des mœurs de liberté intellectuelle, le sens partout développé de la dignité de la science et du droit de la pensée qui ôteront aux pouvoirs politiques la tentation d’opprimer la vérité, comme ils ôteront aux maîtres la tentation d’avilir, au delà de ce qu’exige la force du vrai, les pouvoirs en qui ils trouvent le respect pour la liberté. Condorcet fait concourir à la nomination des maîtres, pour les deux premiers degrés de l’enseignement, les membres des établissements d’enseignement d’un degré supérieur, les municipalités et les pères de famille. Au sommet, la Société nationale des Sciences et des Arts, ce que nous appelons aujourd’hui l’Institut, se recrutera elle-même, et c’est sur un concours ouvert par elle que les professeurs de ce que nous appelons aujourd’hui l’enseignement supérieur, seront élus.

Ainsi, Condorcet, pour les premiers degrés de l’enseignement, fait, si je puis dire, une plus grande part à l’influence de la nation, des pouvoirs politiques : ce sont les municipalités, pouvoirs politiques, qui sont appelées à jouer un grand rôle dans la nomination des maîtres ; et, pour les écoles primaires, le projet de décret précise « que les livres d’enseignement seront