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qu’un minimum de savoir soit assuré à tous, au-dessus duquel s’élèveront des connaissances plus hautes. Comme Talleyrand, il ne veut pas que l’esprit humain puisse être enchaîné, et il prévoit pour lui des développements indéfinis, mais c’est d’un accent plus profond et plus décisif que celui de Talleyrand qu’il parle et de l’égalité d’éducation et de la perfectibilité indéfinie de la race humaine. « Nous avons pensé que dans ce plan d’organisation générale notre premier soin devait être de rendre, d’un côté l’éducation aussi égale, aussi universelle, de l’autre, aussi complète que les circonstances pouvaient le permettre ; qu’il fallait donner à tous également l’instruction qu’il est possible d’étendre sur tous, mais ne refuser à aucune portion des citoyens l’instruction plus élevée qu’il est impossible de faire partager à la masse entière des individus, établir l’une parce qu’elle est utile à ceux qui la reçoivent et l’autre parce qu’elle l’est à ceux mêmes qui ne la reçoivent pas. »

« La première condition de toute instruction étant de n’enseigner que des vérités, les établissements que la puissance publique y consacre, doivent être aussi indépendants que possible de toute autorité politique ; et comme néanmoins cette indépendance ne peut être absolue, il résulte du même principe qu’il ne faut les rendre dépendants que de l’Assemblée des représentants du peuple, parce que de tous les pouvoirs, il est le moins corruptible, le plus éloigné d’être entraîné par des intérêts particuliers, le plus soumis à l’influence de l’opinion générale des hommes éclairés, et surtout parce qu’étant celui de qui émanent essentiellement tous les changements, il est dès lors le moins ennemi du progrès des lumières, le moins opposé aux améliorations que ce progrès doit amener. »

« Nous avons observé enfin, que l’instruction ne devait pas abandonner les individus au moment où ils sortent des écoles, qu’elle devait embrasser tous les âges, qu’il n’y en avait aucun où il ne fût utile et possible d’apprendre, et que cette seconde instruction est d’autant plus nécessaire que celle de l’enfance a été resserrée dans des bornes plus étroites. C’est là même une des causes de l’ignorance où les classes pauvres de la société sont aujourd’hui plongées ; la possibilité de recevoir une première instruction leur manquait encore moins que celle d’en conserver les avantages.

« Nous n’avons pas voulu qu’un seul homme dans l’Empire pût dire désormais : la loi m’assurait une entière égalité de droits, mais on me refuse les moyens de les connaître. Je ne dois dépendre que de la loi, mais mon ignorance me rend dépendant de tout ce qui m’entoure. On m’a bien appris dans mon enfance ce que j’avais besoin de savoir ; mais forcé de travailler pour vivre, ces premières notions se sont bientôt effacées, et il ne m’en reste que la douleur de sentir dans mon ignorance, non la volonté de la nature, mais l’injustice de la société.

« Nous avons cru que la puissance publique devait dire aux citoyens pauvres : la fortune de vos parents n’a pu vous procurer que les connais-